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COP25 à Madrid : un sommet décisif sous le signe des océans
La COP25 se déroule du 2 au 13 décembre 2019 à Madrid avec le soutien logistique du gouvernement espagnol et sous la présidence du Chili. Aux prises avec une puissante contestation sociale, le président Sébastien Pinera s’est vu contraint de renoncer d’accueillir à Santiago cette conférence internationale et les 25 000 participants attendus.
Une conférence sur fond bleu
Carolina Schmidt, ministre de l’environnement chilienne et présidente de la COP25, a choisi de souligner les impacts du réchauffement climatique sur l’océan et d’en faire la pièce maîtresse de cette conférence. En septembre 2019, le GIEC a publié son rapport spécial sur les océans et la cryosphère (ensemble des surfaces gelées) soulignant leur rôle fondamental dans la régulation du climat et les risques encourus par leur dégradation. Pour ne citer qu’un exemple, depuis les années 1980, l’océan a absorbé 90 % de la chaleur et 30 % du CO2 engendrés par les activités humaines. Les mers deviennent ainsi plus chaudes et plus acides, menaçant la vie marine et provoquant la fonte de la banquise. Si la Terre connait un réchauffement de + 2°C en 2100, tous les coraux (qui concentrent 25 % de la vie marine de notre planète) seront anéantis et la banquise arctique sera complètement fondue un été sur dix, condamnant les nombreuses espèces y vivant.
2019 : une année charnière
La COP25 est considérée comme un tremplin vers celle qui aura lieu à Glasgow en 2020, où les États signataires seront appelés à présenter de nouvelles contributions nationales plus ambitieuses, exactement 5 ans après l’Accord de Paris (2015). Ce dernier fixait comme objectif commun de limiter le réchauffement climatique en dessous de 2°C d’ici 2100, mais les engagements inconditionnels de réduction des émissions des États signataires suivent une trajectoire conduisant à un réchauffement supérieur à 3°C. Pour le moment seules les îles Marshall, en voie de submersion à cause de la montée du niveau des océans, ont relevé leur ambition. Chaque année, le Programme des Nations Unis pour l’Environnement (PNUE) évalue dans son rapport « Emission Gap » l’écart entre les émissions mondiales réelles et les niveaux conformes au scénario 1,5°C et 2°C. Deux semaines avant l’ouverture de la COP25, l’ONU a rappelé de ce fait qu’une réduction de 7,6 % par an de 2020 à 2030 est nécessaire pour maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 1,5°C.
Solidarité internationale
Dès 1992 avec l’adoption de la Convention-cadre des Nations Unis sur les Changements Climatiques (CCNUCC), le principe des « responsabilités communes mais différenciées » consigne l’imputabilité des pays développés à subvenir aux besoins des pays les plus soumis aux pertes et dommages associés au dérèglement climatique. En décembre 2013, les États créent le Mécanisme international de Varsovie pour renforcer l’entraide internationale et deux ans plus tard, l’article 8 de l’Accord de Paris confirme cette ambition sans pour autant créer d’obligation d’indemnisation. Depuis, aucune piste concrète de mécanisme de financement n’a émergé des discussions internationales. Lors de la COP25, des solutions innovantes poussées par les ONG internationales seront débattues, comme une taxe sur l’extraction des énergies fossiles ou le gel de la dette des pays impactés par les catastrophes naturelles.
Lors de la COP15 à Copenhague en 2009, les pays du Nord décidaient de créer un fond vert pour le climat, destiné à soutenir les pays en développement dans leurs projets de réduction des émissions de GES et d’adaptation aux conséquences climatiques. Dix ans plus tard, malgré un effort européen pour compenser le désengagement des États-Unis, l’objectif des 100 milliards de dollars investis par an en 2020 est toujours loin d’être atteint. La COP25 est donc la dernière occasion de remobiliser les pays riches avant la date butoir.
Les marchés Carbone : urgente réinitialisation
Les marchés Carbone initiés par le protocole de Kyoto en 1997 lors de la COP3, avaient pour objectif de convertir les tonnes de CO2 en actifs économiques échangeables permettant ainsi de pénaliser financièrement les pays qui ne respectaient pas leurs quotas d’émission. Vingt ans plus tard, le constat est amer : ces marchés historiques n’ont pas été capables de maintenir un prix carbone suffisamment haut pour inciter et soutenir une décarbonation à l’échelle internationale. Lors de la COP21, 197 pays s’accordent à remplacer en 2020 le protocole de Kyoto par un nouveau mécanisme défini par l’article 6 de l’Accord de Paris. Or, la mise en application de cet article stagne depuis 4 ans en partie à cause du risque important de double comptabilité. Le succès de la COP25 sera mesuré à l’aune de la capacité des négociateurs à trancher ce nœud Gordien.
Ambition neutralité carbone 2050 : l’Europe sous les projecteurs
En septembre 2019, le Chili a annoncé le lancement de « l’Alliance pour une ambition climatique », rassemblant les différents acteurs qui ambitionnent de parvenir à la neutralité carbone en 2050. Pour le moment, 66 pays, 10 régions, 102 villes, 93 entreprises et 12 investisseurs sont unis derrière ce même objectif et la COP25 est l’occasion pour d’autres de les rejoindre. L’Union Européenne fait partie de cette alliance depuis que Ursula von der Leyen, nouvelle présidente de la Commission européenne, a fait de la neutralité carbone le fer de lance de sa politique environnementale. Premier continent à voter « l’urgence climatique », l’Europe apparaît comme le chantre de la lutte internationale contre le changement climatique. Il reste cependant à la nouvelle Commission de concrétiser son annonce ambitieuse du Green Deal et son grand plan d’investissement de 1 000 milliards d’euros en 10 ans. Le Sommet des Chefs d’État et de gouvernements européens qui se tiendra les 12 et 13 décembre, soit quelques heures avant la fin de la COP25, en sera justement l’occasion.