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Crue de la Seine de janvier : conséquence du changement climatique ?

Climat
ParticulierAdhérentPresse
Publié le 07 mars 2018
par Jérémie Jaeger

En moins de 2 ans, Paris a été touchée par deux crues majeures : peut-on accuser le changement climatique ? Faut-il s’attendre à des inondations de plus en plus fréquentes à Paris ? 

Une crue lente due à un hiver particulièrement pluvieux

Ce mois de Janvier 2018 restera dans les esprits des Parisiens pour la crue exceptionnelle qui a touché la capitale. La Seine a en effet atteint son pic de crue à 5,84 m dans la nuit de dimanche 28 à lundi 29 janvier, avant une décrue qui s’annonce particulièrement lente. C’est loin de son record historique de 8,62 m intervenu en 1910, et en deçà du niveau atteint lors de la dernière crue datant de juin 2016, 6,10m. Météo-France a néanmoins placé Paris en vigilance orange inondations pendant près de deux semaines.

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Le pont Alexandre III le 26 Janvier 2018 - Crédits Jmdigne 

Cette crue est la conséquence d’un début d’hiver particulièrement humide. Les mois de décembre et janvier ont constitué l’une des trois périodes les plus pluvieuses depuis le début des relevés en 1900 ; l’accumulation des pluies sur des sols gorgés d’eau ont provoqué un gonflement des cours d’eau. 

Entre le 1er décembre et le 21 janvier, les précipitations ont été deux fois supérieures à la normale à Paris, avec 183 millimètres tombés. Notre partenaire Raphaëlle Kounkou-Arnaud, climatologue à la direction inter-régionale Île-de-France / Centre de Météo-France, indique ainsi que « la crue que nous observons actuellement à Paris est une crue lente due à des précipitations peu intenses sur une longue période de temps ». 

Y a-t-il un lien avec le changement climatique ?

Les crues extrêmes de ce type ne manquent pas d’engendrer des réactions sur leur lien supposé avec le changement climatique. La fondation GoodPlanet a par exemple habillé d’un gilet de sauvetage le célèbre Zouave du pont de l’Alma, repère mythique des Parisiens pour juger de l’importance d’une crue. Cette opération spectaculaire vise à sensibiliser sur les conséquences des dérèglements climatiques.

Il est cependant impossible d’attribuer complètement un phénomène météorologique particulier, tel que la crue de cet hiver, au changement climatique. Cela dit, les climatologues travaillent depuis plusieurs années sur les liens entre changement climatique et inondations.

Des études récentes (comme les projet RExHySS ou Explore 2070) soulignent que le changement climatique dû aux activités humaines n’apporte pas d’évolution significative sur les inondations du bassin de la Seine.

En revanche, comme nous l’indiquons dans notre brochure Le changement climatique à Paris, les projections climatiques réalisées par les climatologues de Météo-France sur Paris prévoient une augmentation des précipitations en hiver, sans augmentation du nombre de jours de pluie. Cela signifie que le changement climatique augmente l’occurrence de pluies intenses en hiver à Paris.

Or, les pluies intenses peuvent déclencher des crues rapides, comme celle qu’a connu Paris en Juin 2016. Celle-ci avait été occasionnée par trois jours de pluies intenses sur des sols déjà très humides. Selon Raphaëlle Kounkou-Arnaud de Météo-France, « même si l’augmentation de fréquence de ce type d’événement à cette époque-là de l’année n’est pas détectable dans les observations, il [est] possible que les activités humaines aient augmenté l’intensité et la probabilité d’occurrence de tels phénomènes. »

Pour résumer, il est peu probable que la crue lente de janvier 2018 soit une conséquence du changement climatique, mais il est possible que celui-ci rende plus fréquentes des crues rapides dues à des pluies plus intenses, comme ce fut le cas en juin 2016. 

Faire de Paris une ville résiliente aux inondations

Qu’elles soient ou non causées par les dérèglements climatiques, les crues peuvent occasionner de nombreux dégâts dans une ville aussi dense que Paris. Le tronçon central du RER C est ainsi resté à l’arrêt plusieurs semaines en attendant la décrue.

La Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain (CPCU), qui gère le réseau de chaleur de la Ville de Paris est aussi particulièrement sensible aux inondations : le réseau distribuant de la chaleur sous forme de vapeur produite avec de l’eau puisée dans la Seine, un nombre important de centrales sont situées en bordure du fleuve. La crue de juin 2016 avait ainsi conduit à l’arrêt de 9 tronçons vapeur, ce qui a privé d’eau chaude sanitaire près de 10 000 logements.

Selon Marc Barrier, Directeur Général de CPCU et trésorier de l’Agence Parisienne du Climat, « les leçons de la crue de 2016 ont été tirées. Depuis la dernière crue, des systèmes de pompage lourds ont été renforcés et installés ». Résultat : en janvier 2018, un seul tronçon-vapeur (sur 427) a été arrêté à Ivry-sur-Seine, alimentant quelques dizaines de logements. CPCU a aussi participé à la cellule de crise mise en place par la Ville de Paris, pour limiter l’impact de la crue et coordonner l’action des chacun des acteurs – Etat, collectivités, gestionnaires de réseaux de transport et d’énergie…

Si des progrès notables sont en cours, M. Barrier reste inquiet quant à la survenue d’une crue centennale, comme celle de 1910 (8,10m) : « En cas de crue supérieure à 6,50m, le réseau serait sévèrement affecté ».  

Plus largement, plus de 107 000 logements sont situés en zone inondable à Paris intra-muros, et les berges de Seine accueillent un nombre important d’activités (Musée du Louvre, Ministères de l’économie et des finances, gare d’Austerlitz, hôpital Georges Pompidou…). Une crue centennale telle que celle intervenue en 1910 provoquerait des pertes d’activité économique à hauteur de 60 milliards d’euros, et 430 000 emplois sont directement menacés. (Source Stratégie de Résilience de la Ville de Paris)

Face à ce risque important, la Ville de Paris a souhaité renforcer sa capacité à anticiper, prévenir, réagir et surmonter les crises et les chocs, notamment les inondations, en adoptant sa « Stratégie de résilience ».  Pour Sébastien Maire, Haut-Responsable de la résilience à la Mairie de Paris, « le territoire est en évolution positive permanente et renforce sa préparation en permanence année après année pour faire face à ce risque de crue ». La Ville de Paris anticipe par exemple les infrastructures et les services qui seront touchés par une crue majeure de la Seine et anticipe leur reconstruction en rassemblant des opérateurs de réseau, des services de l’état, des urbanistes et architectes. 

En savoir plus

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