Une météo pour mesurer le carbone en temps réel à Paris

Un nouvel outil plus précis et immédiat

Adopté le 15 novembre dernier, la mise en place de la Météo Carbone est le premier système de mesure, de suivi et de cartographie des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle du Grand Paris.

Certains outils de mesure existent déjà, mais ils présentent de nombreux inconvénients. Notamment celui de ne pas fournir des données immédiates, or les villes ne peuvent pas agir au quotidien sur la base de données qui remontent à plusieurs mois, voire plusieurs années.

Contrairement à ces derniers, la méthode mise au point par Origins.earth et le LSCE va permettre de mesurer les émissions carbonées de façon scientifique et en temps réel, donc de façon continue et avec exactitude. Il s’agit ici d’une première mondiale.

 « Il n’y a pas de mesure directe », explique Philippe Ciais, directeur de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE), partenaire scientifique du projet porté par Origins.earth. Les émissions sont estimées grâce à des données statistiques. » Pour le CO2, par exemple, on prend pour base les quantités de charbon, pétrole et gaz consommées (et consumées) chaque année. Pour calculer les émissions de méthane des bovins, la production moyenne de gaz par animal sera multipliée par le nombre de ruminants présents sur un territoire donné.

« Actuellement, la marge d’incertitude d’un bilan carbone peut aller jusqu’à 30% », ajoute Thomas Lauvaux, chercheur au LSCE. Grâce à cet outil scientifique et pédagogique, il sera désormais possible de mieux visualiser ces émissions invisibles néfastes pour le climat, à l’instar des systèmes de surveillance de la qualité de l’air pour mettre en lumière les polluants nocifs pour la santé humaine, oxydes d’azote, ozone ou particules fines.

Pour élaborer cette « météo carbone » à l’échelle urbaine, l’idée a été de prendre en compte l’ensemble des informations permettant de mesurer les émissions au plus près du territoire et de façon continue. L’outil développé intègre ainsi :

• des données dynamiques du territoire (mobilité, habitat, industries, bâtiments publics, …),
• des mesures de concentration en temps réel fournies par des capteurs,
• et des informations météorologiques comme la température, la direction des vents, etc.

Les villes : territoires prioritaires d’action

La ville de Paris, qui apporte un soutien technique et opérationnel au projet d’Origins.earth– sera la première ville au monde à se doter d’un tel système de mesure : « Les villes sont le meilleur territoire d’action, car elles sont responsables de 70 % des émissions de gaz à effet de serre, explique Célia Blauel, adjointe à la marie de Paris en charge du Plan climat. C’est dans ce contexte que nous nous sommes associés à ce projet, pour affiner nos outils de compréhension et de pilotage ».

« Nous travaillons à la mise à jour de notre bilan carbone pour une publication en fin d’année ; c’est une étape importante. Toutefois, des données plus réactives sont nécessaires pour mieux évaluer l’impact de nos politiques », estime Célia Blauel qui se dit favorable à cette transparence du carbone : « Si les résultats espérés ne sont pas là, cela ne pourra qu’alimenter notre réflexion et nous rendre meilleurs dans la dynamique ».

Evaluer la situation et les actions mises en place en temps réel 

Origins.earth et ses partenaires travaillent aujourd’hui à l’élaboration d’une météo carbone pour communiquer auprès des élus, des professionnels et des citoyens. Parmi les pistes : un indice brut de type valeur métrique (ppm), un indice de tenue de la trajectoire fixée ou une visualisation cartographique des émissions, mensuelle et accessible en ligne.

« Nous avons ainsi évalué l’impact d’une diminution d’un degré (1°C) de la température de chauffage des habitats franciliens : la réduction des émissions de dioxyde de carbone attendue est équivalente aux volumes captés par une surface boisée équivalente à plusieurs départements de l’Ile-de-France, ce qui montre bien qu’il faut d’abord agir sur les comportements pour réduire nos émissions plutôt que de se lancer dans des opérations aléatoires de compensation même si planter des arbres sera toujours bénéfique », note M. Benkhelifa, qui pilote le dispositif Origins.earth avec le LSCE.

Les enjeux d’un système de monitoring urbain du CO2 - véritable base de données et d’information à la disposition des autorités locales et de la population - sont nombreux. En créant cette « météo carbone », l’information sur l’évolution des émissions va franchir un seuil : elle deviendra permanente, vulgarisant et matérialisant la lutte contre les émissions de GES en vue de la neutralité carbone. Il permettra de mieux focaliser l’attention sur ce problème capital en rendant concret l’invisible. Enfin le réseau pourra documenter de façon indépendante la vision, les décisions et les projets urbains de réduction des émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre dont le redoutable méthane (CH4).

Rendez-vous à partir du premier semestre 2020 pour connaître les premières données d’émissions de CO2 en temps continu.

La démarche pilote d’Origins.earth est soutenue par l’Organisation météorologique mondiale (OMM), l’Agence Parisienne du Climat, l’ADEME, l’AFNOR et le National Institute of standards and technology (Nist) américain avec l’appui financier du groupe SUEZ, l’expertise de SUEZ Consulting et de l’initiative public-privé européenne Climate KIC.