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Quelles sont les conséquences climatiques du virus SARS-CoV-2 ?
Le 25 mars 2020, l’Agence Française de Presse (AFP) estime que 2,6 milliards de personnes, soit plus d’un tiers de la population mondiale, sont appelées à se cloîtrer chez elles pour limiter la propagation du nouveau coronavirus, le SARS-CoV-2 dont la maladie infectieuse respiratoire, le Covid-19, a causé à ce jour la mort de plus de 18 000 personnes dans 175 pays. Cet article de décryptage propose d’analyser les effets de cette crise sanitaire « bénéfiques » pour l’environnement, massivement partagés sur les réseaux sociaux ces dernières semaines, afin de déceler les effets d’annonces des faits scientifiques.
Améliorations indéniables de la qualité de l’air dans les régions confinées
Fin février, les satellites météorologiques de l’ESA (Sentinel-5) et de la NASA (Aura) ont mesuré au-dessus des provinces chinoises en quarantaine une diminution moyenne de 37 % des concentrations atmosphériques de dioxyde d’azote (NO2) par rapport à la même époque l’année dernière.
Données collectées par Copernicus Sentinel 5P et mise en forme par Joshua Stevens de Nasa Earth Observatory.
Un mois plus tard, les 3 000 stations de surveillance de l’Agence Européenne de l’Environnement (EEA) relèvent au sol de grandes villes européennes des mesures identiques avec des chutes notables de plus de 50 % à Barcelone, Bergame, Lisbonne et Paris. Airparif estime une baisse de la concentration de d’oxydes d’azote supérieure à 60 % dans la région parisienne à partir du mercredi 18 mars. Cette amélioration exceptionnelle est particulièrement sensible sur les axes routiers où les stations ont enregistré les niveaux de pollutions les plus bas en 40 ans de mesure.
Airparif : cartes moyennes de pollution au dioxyde d’azote du 17 au 19 mars
En zone urbaine, les émissions d’oxydes d’azote (NOx) sont majoritairement issues de la combustion des combustibles fossiles et en partie responsables de la formation des particules fines suspendues dans l’air. Ainsi les réductions drastiques de l’activité industrielle et du trafic routier dans les villes confinées expliquent sans équivoque cette baisse de pollution. Pour rappeler l’impétueuse nécessité d’améliorer la qualité de l’air urbain, Marshal Burke, un chercheur de l’université de Stanford a estimé que la baisse de concentration des particules fines dans l’air en Chine aurait sauvé plus de personnes que le SARS-CoV-2 n’en aura tué.
Diminution temporaire des émissions de gaz à effet de serre (GES)
Bien qu’il soit encore trop tôt pour quantifier précisément l’impact de la crise sanitaire sur les émissions mondiales annuelles des GES, certaines études essayent de modéliser des évolutions régionales. Dans une analyse publiée fin février, Carbone Brief estime que la réponse politique et sanitaire du gouvernement chinois a sabré la consommation de charbon et de pétrole brut entraînant une diminution par rapport à l’année dernière d’au moins 25 % des émissions de GES sur les deux dernières semaines de février.
Consommation de charbon journalière chinoise autour du Nouvel An Chinois, données WIND Information et visualisation de Carbon Brief
Toutefois, les experts s’accordent à dire que les stimulus économiques de sortie de crise compenseront cette baisse temporaire, comme ce fût le cas après la crise économique de 2008. L’Organisation Météorologique Mondiale rappelle que le dioxyde de carbone reste dans l’atmosphère pendant des centaines d’années et que cette soudaine baisse des émissions aura un effet marginal sur les tendances longues du climat. Petteri Taalas, le secrétaire général, insiste sur le fait qu’une diminution des émissions par une crise sanitaire couplée d’un choc économique n’est en aucun cas durable et substituable à la lutte de fond contre le réchauffement climatique.
Appropriation exagérée des zones urbaines par les animaux sauvages
L’idée que la nature reprend ses droits dans les villes confinées séduit les internautes à la recherche de « feel good stories » en cette période stressante. Cependant, National Geographic souligne que la plupart de ces annonces sont plus émotionnelles que factuelles et réfute le cas de Venise, au centre de l’attention des réseaux sociaux. Les publications montrant l’eau devenu limpide des fameux canaux, dans laquelle poissons, cygnes et dauphins se complaisent ont été vu des millions de fois.
Crédit photo : Twitter @b8taFPS et @ikaveri
Le bureau du maire de la ville confie à CNN qu’en temps normal c’est le trafic fluvial qui fait remonter les sédiments à la surface et que la transparence de l’eau n’est pas un indicateur d’une baisse de la pollution. Par ailleurs, les cygnes n’ont pas attendu les mesures de confinement pour être admirés et photographiés dans les canaux de l’île de Burano au nord de Venise. Quant aux dauphins nageant dans le canal, la vidéo a en fait été filmé dans leur habitat naturel en Sardaigne où ils sont une attraction touristique en temps normal.
Cette anecdote, loin d’être dramatique, montre néanmoins une nouvelle fois la caisse de résonance que peuvent être les réseaux sociaux pour des informations approximatives. Dans les cas avérés de présence incongrue d’animaux en zone urbaines, la plupart cherche une nouvelle source de nourriture pour remplacer celle habituellement apportée par les touristes. Enfin, les chercheurs s’accordent à dire que ces quelques apparitions ne doivent en aucun cas être perçues comme un retour durable de la biodiversité dans les villes mais plutôt comme une conséquence directe de la chute des activités humaines, qui s’effacera dès qu’elles reprendront.
Conclusion
La crise du SARS-CoV-2 est dramatique à tous les égards et laissera de profondes séquelles psychologiques aux populations des pays touchés. De plus, cette pandémie et les mesures de confinement mises en place pour ralentir sa propagation n’auront qu’un effet marginal sur la lutte contre le réchauffement climatique et les pollutions anthropiques. Pour le moment, il y a certes peu de bonnes nouvelles mais beaucoup d’espoir. Cette crise sanitaire, politique et économique est une opportunité inédite pour réinitialiser les logiques de destruction de la biodiversité, d’expansion urbaine et d’agriculture intensive responsables, selon l’écologue de la santé Serge Morand, de l’explosion des maladies infectieuses.