COP27 : quels sont les enjeux à retenir alors que la crise climatique mondiale s’aggrave ?

publié le 03 novembre 2022

13 min

COP 27 © Présidence Egyptienne de la COP27

Alors que la COP27 s’est ouverte dimanche 6 novembre à Sharm El-Sheikh en Egypte, retour sur les évènements qui ont rythmé la diplomatie climatique depuis un an et les principaux enjeux de la Conférence.

« Si des personnes pensent que [les difficultés actuelles] vont freiner l’action climatique internationale, nous devons ici à Sharm El-Sheikh leur prouver le contraire ». Sameh Choukri, président de la COP27

La ville balnéaire Egyptienne de Sharm El-Sheikh accueille cette année la 27e conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, du 7 au 18 novembre 2022, dans un contexte géopolitique tendu, et après une succession d’évènements climatiques extrêmes à travers le monde. Les représentant·es de plus de 200 pays se réunissent sur les bords de la mer Rouge, avec la lourde tâche de rehausser leurs ambitions sur la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, de progresser sur la mise en œuvre de l’adaptation, et de résoudre plusieurs questions cruciales sur fond de tensions Nord-Sud. Voici ce qu’il faut savoir sur les enjeux de la COP27, où seront notamment abordées les thématiques de l’atténuation, l’adaptation, la finance climat et les pertes et dommages.

Rappel : sur quoi avait débouché la COP26 ?

Organisée à Glasgow, la COP26 devait permettre de maintenir l’objectif de 1,5 °C « en vie ». Plusieurs engagements ont été pris par les Etats pendant les deux semaines de négociations, sur la déforestation, le charbon, les investissements publics à l’étranger aux énergies fossiles, les ventes de voitures à moteur thermique ou encore la production d’hydrocarbure, même s’il manquait souvent les principaux pays concernés.

Le sommet avait débouché sur le « Pacte de Glasgow pour le climat ». Le texte, qui indiquait les temps de passage à tenir – réduction des émissions de 45 % d’ici 2030 et neutralité carbone en 2050 – contenait quelques avancées, comme la mention, pour la première fois, des hydrocarbures et du méthane, ou un accord sur les règles régissant le marché du carbone. Il poussait les pays développés à doubler leur soutien financier pour l’adaptation d’ici 2025, lançait un programme de travail sur le sujet ainsi qu’un dialogue sur les pertes et dommages.

Mais les larmes du président de la COP, « profondément désolé » du résultat, trahissaient le sentiment de déception partagé après ces deux semaines. De l’aveu même du texte, les engagements individuels pris par les Etats étaient encore très insuffisants pour atteindre les objectifs globaux, et les pays développés n’avaient toujours pas respecté leurs promesses de financement des mesures d’atténuation dans les pays en développement. Le Pacte donnait un an aux Etats pour rectifier le tir, amplifiant l’importance des mois suivants, et l’enjeu de cette COP27 à Sharm El-Sheikh.

Que s’est-il passé en un an ?

Ces derniers mois ont mis encore davantage en évidence la gravité du changement climatique : deux nouveaux rapports du GIEC ont été publiés, sur l’adaptation et sur l’atténuation, et les évènements climatiques extrêmes se sont multipliés. Par exemple, l’Europe a connu son été le plus chaud jamais enregistré, tandis que le Pakistan a d’abord subit une canicule et une sécheresse d’une rare intensité (le thermomètre dépassant les 50 °C) avant d’être en partie submergé par des pluies torrentielles et des crues engendrées par une mousson précoce. L’Organisation Météorologique Mondiale a de son côté dévoilé son rapport provisoire sur l’état du climat mondial en 2022, qualifié de « chronique d’un chaos climatique » par le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres.

Pourtant, les discussions entre Etats, ponctuées par plusieurs rendez-vous multilatéraux, n’ont pas été particulièrement encourageantes, pénalisées il est vrai par les nombreuses crises graves – invasion de l’Ukraine, crises énergétique et alimentaire, tensions à Taïwan – qui ont exacerbé les tensions entre Etats et ont pu reléguer le climat au second plan. La tâche de la COP27 n’en est que plus grande pour surmonter les blocages.

De nombreux sommets environnementaux pour de nouvelles déclarations

L’année passée a également été riche en sommets internationaux. En mars, les pays les moins avancés (PMA), à l’occasion de la Cinquième Conférence des Nations Unies sur les PMA, se sont dotés d’un nouveau Programme d’action, dit « de Doha ». L’action climatique fait partie des six domaines d’action, l’accord plaidant pour un soutien à ces pays pour qu’ils se protègent mieux des changements climatiques et de la dégradation de l’environnement. La Déclaration de Séoul sur les forêts, fruit du XVe Congrès forestier mondial, a transmis en mai dernier des « messages urgents » pour favoriser « un avenir vert, sain et résilient avec les forêts », dont la nécessité de tripler d’ici 2030 les investissements dans la restauration des forêts et des paysages. La COP15 de la Convention sur la désertification s’est tenue en mai à Abidjan, où la restauration d’un milliard d’hectares de terres dégradées d’ici 2030 a été le principal engagement pris.

En juin, on célébrait le cinquantième anniversaire du premier « Sommet de la Terre », la Conférence de Stockholm sur l’environnement humain de 1972, qui a posé la première pierre du multilatéralisme environnemental. Organisé dans la capitale suédoise par la Suède et le Kenya, ce sommet « Stockholm+50 » a été l’occasion de tirer un bilan du demi-siècle écoulé – seul un dixième des objectifs mondiaux établis depuis 1972 ont été atteints – d’organiser des grands dialogues entre acteurs étatiques, privés, issus de la société civile et scientifiques,  et de tenter de donner une nouvelle impulsion aux négociations avant les sommets à venir : la COP27 pour le climat et la COP15 pour la biodiversité. En sont ressortis dans la déclaration finale l’importance d’une planète en bonne santé pour le bien-être humain, une volonté affichée pour y parvenir de changer les modes de vie et le système économique, mais aussi la nécessité de restaurer la confiance entre le Nord et le Sud, avec en toile de fond le sujet brûlant de la finance climat.

Deux conférences de préparation peu encourageantes

Les divisions Nord-Sud, justement, ont été mises en lumière lors de la Conférence de Bonn. Organisée chaque année dans l’ancienne capitale à mi-chemin entre deux COP pour préparer la suivante, cette Conférence aura suscité des déceptions. Les négociations ont buté sur plusieurs points, en particulier sur les questions des pertes et dommages, du financement de l’adaptation au changement climatique, et de la répartition des efforts à venir.

Enfin, à un mois du sommet de Sharm El-Sheikh, une « pré-COP » s’est tenue à Kinshasa, en République Démocratique du Congo (RDC) pour faire le point sur les avancées possibles et les blocages à prévoir. Les pays du Sud, à commencer par le pays organisateur, y ont pris fermement la parole pour réclamer un soutien financier et technologique, indispensable pour lutter à la fois contre l’extrême pauvreté et les conséquences du changement climatique.

« Nous avons besoin d’oxygène, nous avons aussi besoin de pain », Eve Bazaïba, ministre de l’Environnement de RDC, lors de la pré-COP.

Des nouveaux engagements des Etats insuffisants

Alors que les engagements nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les « NDC » (pour « nationally determined contributions », soit « Contributions déterminées au niveau national »), pris en amont de la COP26, mèneraient à un réchauffement d’environ 2,4 °C à la fin du siècle, le Pacte de Glasgow exigeait que les Etats réhaussent leurs ambitions avant la fin de l’année 2022. Pour le moment, si l’on en croit l’organisme de recherche Climate Action Tracker, qui étudie les politiques climatiques des principaux pays émetteurs (couvrant plus de 75 % de la population et 85 % des émissions), seule l’Australie, suite à un changement de gouvernement, a pour l’instant réhaussé significativement ses ambitions.

« Les engagements mondiaux et nationaux en manière de climat sont lamentablement insuffisants », a alerté Antonio Guterres ce dimanche.

Quels seront les principaux points de négociation ?

Le thème officiel, « Together for implementation » (« Ensemble pour la mise en œuvre »), annonce la volonté de passer à l’action avec des mesures réelles pour accélérer l’action climatique globale, après les objectifs fixés à Glasgow. Cet effort de mise en œuvre doit se poursuivre lors des COP suivantes, mais des progrès sont attendus dès cette année, notamment par les pays africains (et plus largement les pays vulnérables) qui devraient profiter de l’organisation sur leur continent pour appuyer leurs revendications concernant la finance climat, l’adaptation et les pertes et dommages. L’organisation a de son côté mis en avant quatre thèmes : atténuation, adaptation, finance et collaboration.

Atténuation : rehausser les ambitions nationales

Comme évoqué précédemment, le rehaussement des ambitions sera un des principaux points de discussion lors du sommet en Egypte. Sachant que la marche à gravir est importante pour respecter l’objectif de l’Accord de Paris, rappelé dans le Pacte de Glasgow et répété par l’organisation Egyptienne : limiter le réchauffement climatique sous les 2 °C tout en poursuivant les efforts pour maintenir la cible de 1,5 °C en vie. En effet, dans sa dernière analyse des NDC en amont de la COP27, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement estime que si les Etats respectaient leurs promesses, le réchauffement global s’élèverait à 2,2 °C.

Adaptation : poursuivre le programme de travail

La COP de Glasgow avait vu le thème de l’adaptation prendre de l’importance, et lancé un programme de deux ans, intitulé « Glasgow – Sharm El-Sheikh », pour faciliter la mise en œuvre des politiques d’adaptation. Poursuivi lors de cette COP27, il doit permettre une meilleure compréhension commune de ce qu’implique « l’objectif global sur l’adaptation » établi par l’Accord de Paris, qui est d’ « améliorer la capacité adaptative, renforcer la résilience et réduire la vulnérabilité face au changement climatique », notamment en termes de moyens techniques et financiers, et, pour de nombreux pays, de débloquer de nouveaux fonds pour l’adaptation.

Finance climat : vieille promesse et nouvelles cibles

Au centre des négociations il y a un an, la question de la finance climat n’avait pas pu être résolue, les pays développés échouant à respecter leur promesse, faite en 2009 pour 2020, de financer à hauteur de 100 milliards de dollars par an l’action climatique des pays en développement. La respecter est un objectif affiché de l’organisateur, ne serait-ce que pour restaurer la confiance entre le Nord et le Sud. Il faudra également avancer sur une autre promesse, faite celle-ci à Glasgow, de doubler le financement de l’adaptation entre 2019 et 2025, et discuter d’un nouvel objectif pour l’après-2025. Le tout dans un contexte d’appels à la réforme du système financier mondial, poussée notamment par la Barbade, pour mieux répondre aux besoins financiers de pays durement affectés par le dérèglement climatique et les crises sanitaires, économiques et alimentaires. Ces enjeux financiers seront notamment abordés en parallèle au G20, qui se déroulera pendant la deuxième semaine de la COP.

Pertes et dommages : le sujet devenu incontournable

Cruciale pour la justice climatique, la notion brûlante des pertes et dommages prend de plus en plus de place dans les discussions. Elle désigne les dommages inévitables causés par le changement climatique d’origine humaine, et posent la question de la responsabilité, les pays vulnérables demandant que ces dommages entraînent une compensation financière par les pays développés. La notion a déjà fait l’objet du Mécanisme International de Varsovie et du Réseau de Santiago, lancés respectivement par les COP de 2013 et 2019, pour prévenir et minimiser ces pertes et dommages et renforcer le soutien technique et financier, mais sans progresser sur l’épineuse question du financement. Celle-ci était encore au cœur des débats lors de la COP26, mais ne s’est traduite que par la création du « Dialogue de Glasgow » plutôt que par des engagements concrets, en dehors du million d’euros promis par l’Ecosse. Au vu des débats qui ont ponctué l’entre-deux COP et des discours d’ouverture, nul doute qu’elle reviendra sur la table, d’autant plus que cette édition se tient sur un continent particulièrement touché par le dérèglement climatique, dont il est peu responsable.

« L’inclusion de cet ordre du jour reflète un sentiment de solidarité et d’empathie pour la souffrance des victimes de catastrophes d’origine climatique», Sameh Choukri, président de la COP27

Les récentes déclarations de John Kerry, l’envoyé spécial américain pour le climat, qui dit son pays « pleinement favorable » à un dialogue sur la gestion des pertes et dommages, et promis une annonce sur le soutien à l’Afrique en matière d’adaptation, laissent entrevoir une éventuelle avancée sur le sujet, même si la prudence est de mise.

« J’espère que ce sera l’année où tout le monde arrivera en quelque sorte à être sur la même longueur d’ondes, en reconnaissant qu’il y a des inégalités particulières, qui demandent une attention particulière », John Kerry, envoyé spécial des Etats-Unis pour le climat

Le programme des deux semaines