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Favoriser les mobilités douces pour la santé des enfants avec les rues aux écoles de Paris
C’est un concept qui fait son chemin dans les villes européennes, celui de fermer les rues à la circulation aux abords des écoles. Cette fermeture peut être temporaire, aux horaires d’affluence (le matin et en fin d’après-midi) ou définitive. Sous la dénomination de « rues scolaires », cette pratique se diffuse en Belgique, au Royaume-Uni, en Espagne mais aussi en France !
A Paris, la Ville a développé depuis 2020 le projet Rue aux écoles qui vise à piétonniser de manière pérenne le trajet des écoliers afin de garantir la sécurité du trajet jusqu’à leur établissement. Aujourd’hui, ce sont 168 rues aux écoles qui ont été créées à Paris et 204 établissements scolaires sont concernés. Le projet est porté par la Direction de la Voirie et des Déplacements (DVD).
Développer de nouvelles façons de se déplacer
La priorité étant rendue aux piétons dans l’espace des rues aux écoles (hormis pour les véhicules de secours, des services, livraison de commerces, ou accès à des parkings privés), les parents automobilistes sont incités à utiliser de nouvelles modalités de transport telles que la marche ou le vélo pour emmener leurs enfants à l’école.
Ces résultats s’expliquent par ce que Mathieu Chassignet, ingénieur mobilités durables à l’ADEME, appelle le Cercle vertueux des rues scolaires : le trafic automobile diminue aux abords des écoles, les cheminements vers celle-ci sont donc plus sûrs. Ainsi le sentiment de sécurité pour les parents augmente ce qui les encourage à laisser leurs enfants aller à l’école à pied ou à vélo.
Le concept rencontre d’ailleurs un franc succès auprès des parents concernés par cette politique. A Londres, 91% d’entre eux se disent favorables au dispositif, toujours selon l’ADEME.
Rue aux écoles - Rue de la Bienfaisance (8e) © Guillaume Bontemps/Mairie de Paris
Un enjeu sanitaire majeur
A delà de la sécurité routière, la question d’une transformation de la mobilité en ville est un réel enjeu pour la santé publique, notamment dans les milieux urbains denses. En effet, c’est sans surprise que l’on y note un niveau de pollution de l‘air particulièrement élevé.
Selon l’association Respire (Association Nationale pour l’Amélioration de la Qualité de l’Air et la Défense des Victimes de la Pollution fondée en 2011), « si l’exposition à la pollution de l’air a des effets délétères sur la santé des adultes: troubles respiratoires, cancers, pathologies cardiovasculaires, séquelles neurologiques… elle est encore plus nocive pour les enfants, qui la subissent alors que leur organisme est encore immature. »
Or, toujours selon l’association 93% des 12 000 établissements scolaires d’Ile-de-France se situent dans des zones qui dépassent systématiquement les recommandations de l’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) en matière de pollution de l’air en 2019. Cette étude concerne principalement les particules PM2,5 (particules fines d’une taille de 2,5 micromètres) et de dioxyde d’azote (NO2), toutes deux issues du trafic routier. De plus, la concentration en particules polluantes augmente au fur et à mesure que l’on se rapproche du centre de Paris : 16% des établissements parisiens dépassent jusqu’à 4 fois les recommandations de l’OMS, contre 1% de ceux de la grande couronne.
Plus globalement, en France, le nombre d’enfants asthmatiques a ainsi doublé en deux décennies, en grande partie à cause de la pollution de l’air. Cette dernière provoque également un retard dans le développement cognitif des enfants, un déficit de Quotient Intellectuel, et favorise des maladies mentales et neurologiques. Repenser les mobilités dans l’espace urbain s’avère donc être une réelle urgence sanitaire.
Vous pouvez consulter cette carte interactive éditée par Respire en partenariat avec Airparif (organisme de surveillance de la qualité de l’air en IDF) qui fait un état des lieux des établissements scolaires soumis à la pollution atmosphérique en région parisienne.
Le modèle parisien : en route vers l’adaptation au changement climatique !
Pour aller plus loin et permettre à l’ensemble des 168 « rues aux écoles » de contribuer à un environnement plus sain, durable, et résilient, les services de la Ville de Paris travaillent à la transformation complète de certaines de ces rues pour en faire des espaces publics qui répondent à d’autres enjeux, notamment écologiques.
16 rues ont déjà été entièrement réaménagées depuis 2020 dans une logique qui intègre :
- apaisement de la voirie,
- nouveaux matériaux,
- mobilité douce,
- renaturation…
En effet, dans le contexte climatique futur, la ville dense est soumise à des aléas tels que les fortes chaleurs ou les inondations, qu’il est important de prendre en compte pour repenser le milieu urbain. C’est la démarche dans laquelle souhaite s’inscrire la Ville pour les rues aux écoles à l’avenir.
Marquage ludique réalisé par les écoliers avec le CAUE75 rue Charles Baudelaire, Paris 12e © Agence Parisienne du Climat
Développer la Végétalisation
Afin de lutter contre l’effet d’îlot de chaleur urbain, plusieurs services de la Ville ont travaillé ensemble afin d’apporter de la végétation dans cet échantillon de rues aux écoles. Ces services ont pu créer des bandes végétalisées, avec une palette végétale variée (couvres-sols, arbustes, etc). En fonction des contextes (largeur de la rue, réseaux souterrains, etc), il a même été possible de planter des arbres d’ornement de grande taille qui fournissent de l’ombre
Toute cette végétation, par évapotranspiration et ombrage, va permettre d’augmenter le confort thermique des rues aux écoles.
Ainsi, les palettes végétales élaborées par la Ville permettent d’avoir 4 ambiances paysagères différentes :
- Collection d’érables
- Ambiance forestière
- Verger ornemental (petits fruits)
- Arbres d’ornement
Enfin, il est important de noter que la végétation est capable de capter des polluants atmosphériques (sur le feuillage, les troncs, dans les cellules).
Rue aux écoles - Pierre Foncin (20e) © Joséphine Brueder/Mairie de Paris
Renouveler les matériaux et les pratiques
Dans certaines rues, le revêtement de la chaussée a aussi subi une transformation.
- En effet, la Ville y applique des revêtements clairs qui ont un albedo plus élevé que l’asphalte foncé traditionnel, c’est à dire que ces matériaux ont une meilleure capacité à renvoyer les rayonnements solaires vers le ciel et absorbent moins de chaleur en journée. Toute chaleur qui n’est pas absorbée ne sera pas restituée la nuit. Or, c’est ce phénomène qui est à l’origine des îlots de chaleur urbains.
- En outre, certaines configurations permettent de faire ruisseler les eaux pluviales dans les espaces végétalisés. On observe aussi la mise en place de cheminements en pavés enherbés qui vont capter ces mêmes eaux. Or, ces opérations de désimperméabilisation, telles que décrites ci-dessus, permettent de gérer les précipitations au point de chute afin de ne pas saturer le réseau d’assainissement.
- Enfin, ces rues transformées peuvent accueillir des équipements nécessaires au confort des riverains comme des fontaines à boire ou des assises.
On retrouve ces dispositifs dans plusieurs rues, telles que la rue Pierre Foncin dans le 20e arrondissement. Vous pouvez retrouver la liste complète de ces 16 rues sur le site de la Ville.
Les limites des opérations de transformation : contraintes et sécurité
Les rues aux écoles sont des lieux qui s’adressent à un public particulièrement fragile et vulnérable. C’est pourquoi il a aussi fallu penser leur transformation en rues adaptées au changement climatique de la manière la plus sûre possible. Ainsi, des dispositions ont été prises pour respecter le plan Vigipirate et assurer aux pompiers la possibilité d’intervenir en cas de besoin.
Et maintenant ?
Aujourd’hui, ce sont 3 400 m² d’espaces végétalisés pleine terre qui ont été créés et 72 arbres qui ont été plantés dans les rues aux écoles. La Ville de Paris a l’intention de continuer sur cette lancée en poursuivant les opérations de transformation des rues aux écoles afin qu’elles soient plus adaptées à l’évolution climatique à Paris.
Ressources complémentaires :
- L’étude statistique sur les rues scolaires à Londres
- Rapport de l’UNICEF sur l’effet de la pollution de l’air en ville sur les enfants