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Crue de la Seine © Sebastien Rabany - AdobeStock

« Paris face aux changements climatiques » : décryptage de la nouvelle étude de la Ville de Paris

Climat
Particulier
Publié le 18 février 2022
par Agence Parisienne du Climat

Le diagnostic des forces et faiblesses du territoire parisien face aux impacts du changement climatique a été réactualisé avec de nouvelles données climatiques. Cette étude, parue le mercredi 22 septembre 2021, permet d’anticiper les actions d’adaptation à privilégier pour rendre la ville et sa population plus robustes face à ces bouleversements. 

Si Paris est, de par sa position géographique relativement robuste aux dérèglements climatiques comme la montée des eaux ou les tempêtes, elle reste vulnérable à d’autres aléas climatiques qui pourraient être plus fréquents et plus intenses, en particulier les canicules et les inondations. 

Dans un premier temps, les auteur·es de l’étude ont cherché à identifier les modifications des phénomènes météorologiques qui peuvent avoir lieu sur le territoire engendrées par le changement climatique.

Ensuite, ils ont passé tous les «systèmes» qui font la ville (réseaux énergétiques et du cycle de l’eau, cadre urbain, système de santé, transports, activités économiques) dans une sorte de crash-test du changement climatique.

L’objectif de l’étude est d’identifier si la végétation, le métro, le réseau d’électricité, de chauffage urbain, de gaz, de froid, la santé des personnes, le ramassage des déchets… c’est-à-dire les «systèmes» qui constituent la ville, sont vulnérables aux évolutions du climat à venir.

Comment le climat va-t-il évoluer ? 

Les projections climatiques mises en avant dans l’étude sont basées sur trois scénarios du dernier rapport du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du Climat (GIEC). 

  • Un scénario «volontariste» de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui limite l’augmentation des températures à + 2 °C au niveau mondial.
  • Un scénario «intermédiaire» avec une poursuite des tendances actuelles puis une diminution, augmentant les températures de + 3,5 °C au niveau mondial
  • Un scénario «du pire» avec un système économique encore fortement carboné et l’absence de politique climatique, entraînant une augmentation de + 4,5 à + 5 °C au niveau mondial 

L’augmentation des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère impacte la température moyenne mondiale, avec des effets plus ou moins rapides selon les régions. A Paris, on relève déjà une hausse de la température de + 2,3 °C par rapport à l’ère pré-industrielle (1885). En Europe, les experts du GIEC estiment que l’air se réchauffera davantage que dans d’autres régions. De plus, les villes subissent ce que l’on appelle «l’effet d’îlot de chaleur urbain» : à cause des matériaux minéraux, de la densité des habitations, de l’activité humaine, un dôme de chaleur stagne au-dessus de la ville lorsqu’il fait trop chaud et empêche à la ville de se rafraîchir la nuit. Pour ces raisons, l’étude a cherché à souligner les conséquences parisiennes de l’évolution du climat d’après les dernières projections climatiques et descentes d’échelle disponibles.

Ainsi, l’étude estime qu’à court et moyen termes la température moyenne pourrait augmenter d’environ 2,5 °C en 2030 à 2,7 °C environ en 2050 par rapport à 1885 (cela est valable pour les trois scénarios).

Les incertitudes sont plus élevées à long terme : dans un scénario intermédiaire, on pourrait atteindre + 3,8 °C d’ici la fin du siècle. Cette valeur serait plutôt de + 6 °C dans le scénario «du pire».

Canicules et inondation : risques majeurs

Le climat parisien est susceptible d’évoluer plus rapidement que ce qu’estimait le précédent diagnostic du territoire, il y a une dizaine d’années : ce qui était prévu dans le précédent diagnostic à 2050 pourrait en fait avoir lieu beaucoup plus tôt, avec des conséquences visibles dès 2030. Concrètement, dans un scénario intermédiaire d’évolution des émissions de gaz à effet de serre, il pourrait y avoir :

  • Une augmentation des jours caniculaires (plus de 30 °C), qui passeraient de 14 jours en 2010 à 20 jours en moyenne en 2030 et 22 jours en 2050.
  • Une multiplication par trois des nuits tropicales (où la température ne baisse pas sous les 20 degrés) d’ici à 2030
  • Pas d’augmentation du cumul annuel des précipitations, mais une multiplication et une intensification des épisodes pluie extrêmes pouvant engendrer des inondations par ruissellement
  • Un risque de crue centennale (qui a une chance sur 100 de se produire chaque année) 40 % plus élevé et un risque de crue décennale (une chance sur 10 de se produire chaque année) 20 % plus élevé dans un scénario intermédiaire d’évolution de gaz à effet de serre
  • Des sols 10% plus secs en été d’ici 2050

Néanmoins, dans tous les scénarios, les climatologues estiment qu’à Paris, les épisodes de «grands froids» devraient être moins fréquents : les hivers seront plus doux, et qu’il n’y a pas de risque supplémentaire de tempête.

L’eau et la biodiversité : deux ressources mises à mal

L’étude montre aussi que certaines ressources naturelles pourraient se retrouver en danger à cause des dérèglements climatiques et des impacts qu’il entraîne :

  • Le déclin de la biodiversité en Île-de-France ne devrait pas être enrayé d’ici 2050
  • A partir de 2050, l’eau serait soumise à des tensions d’usage. En causes : une augmentation de sa consommation pour se rafraîchir et pour l’irrigation des végétaux, une température plus élevée de la Seine entraînant plus d’évaporation et des risques de pollution, une diminution des débits des cours d’eau…

A quoi la Ville est-elle vulnérable ?

La modification du climat a des conséquences bien réelles en ville. Certains systèmes sont particulièrement exposés : l’étude montre que le réseau électrique pourrait subir des coupures de courant en été, à cause d’une augmentation de la demande liée à une probable augmentation de la climatisation, et des défaillances techniques liées à une faible capacité des boîtiers de jonction à supporter la chaleur. Cela pourrait priver d’électricité de nombreux utilisateurs.

Par ailleurs, les personnes (santé, travailleur·euses, touristes) s’avèrent très vulnérables aux canicules, qui représentent un enjeu également social.

Des pics de chaleurs à 50 °C inconnus jusqu’alors pourraient mettre à mal la santé de tous les Parisien·nes car si la canicule de 2003 est la plus intense et la plus sévère jamais enregistrée à Paris, il n’est pas impossible qu’une canicule de ce type se reproduise plus fréquemment à partir de 2030. 

Les inondations pourraient quant à elles engendrer des dégâts matériels colossaux et entraîner une désorganisation des systèmes de la ville : inonder des lieux stratégiques pour la gouvernance, la sécurité, le fonctionnement des transports, l’approvisionnement en énergie.  Si une crue comme celle de 1910 survenait aujourd’hui, il pourrait être impossible de traverser Paris autrement que par le périphérique. De plus, les coûts liés aux dommages causés par ces événements pourraient s’avérer colossaux et se compter en plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Comment anticiper ces évolutions et rendre la ville plus robuste ? 

Les leviers technologiques et réglementaires ont un rôle fondamental à jouer, mais l’évolution des modes de vie est également importante et même primordiale pour augmenter notre capacité à faire face à ces nouveaux phénomènes. 

Les problèmes étant identifiés, il est ainsi plus facile de travailler sur les solutions

Pour être moins vulnérables aux canicules, il est nécessaire d’avoir une meilleure prise en compte du «confort d’été» dans les bâtiments, multiplier les îlots de fraîcheur, qui sont déjà plus de 1200 sur le territoire, et travailler sur le changement des habitudes et des comportements (préserver la fraîcheur dans son logement, modifier ses horaires de sortie, adapter ses moyens de transports, etc.).

La Ville de Paris travaille aussi sur les solutions fondées sur le développement de la nature en ville qui sont identifiées à l’heure actuelle et par de nombreux·ses expert·es comme « les meilleures armes » pour faire face aux évolutions du climat. Ainsi elle s’est fixée de nouveaux objectifs ambitieux en matière de végétalisation de l’espace public qui viennent renforcer les objectifs du Plan Climat et du plan biodiversité. 

Désimperméabiliser les sols et renforcer la place de la nature en ville peut permettre d’éviter de saturer les réseaux d’assainissement en cas de fortes pluies, de préserver la biodiversité et la ressource en eau tout en réduisant l’effet d’îlot de chaleur urbain…

Le changement des pratiques mais aussi la mobilisation de leviers réglementaires comme le Plan Paris Pluie ou la révision en cours du plan local d’urbanisme de la Ville de Paris (qui a pour ambition d’être «bioclimatique») sont indispensables pour accélérer l’adaptation du territoire. 

D’ici là, et pour répondre rapidement au besoin de préserver les habitant·es des vagues de chaleur, la Ville de Paris envisage aussi l’installation d’ombrières là où ne peut pas planter des arbres, de lancer un plan «volets» dans les programmes d’éco-rénovation, de déployer davantage le réseau de froid (un réseau souterrain qui rafraîchir l’air naturellement grâce à la Seine) dans certains établissements sensibles comme les hôpitaux. 

Pour se préparer et anticiper les crises climatiques à venir, la ville de Paris envisage aussi d’organiser avec les services de l’Etat un «stress-test» de Paris sous un pic de chaleur à 50 °C, comme cela avait été organisé en 2016 pour une crue majeure.

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