Rapport du GIEC, 2ᵉ volet : adaptation au changement climatique (2/2)

Face au changement climatique, les solutions sont déjà connues, mais il est urgent de les mettre en place de manière appropriée et de stopper le réchauffement climatique. Cela n’a jamais été aussi clair que dans ce rapport.

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Face au changement climatique, les solutions sont déjà connues, mais il est urgent de les mettre en place de manière appropriée et de stopper le réchauffement climatique. Cela n’a jamais été aussi clair que dans ce rapport.

La deuxième partie de cette synthèse porte sur l’adaptation au changement climatique, auquel le rapport du GIEC consacre une part importante. Les prochaines actions seront déterminantes pour épargner des vies humaines, des écosystèmes et des infrastructures essentielles. Des mesures ambitieuses sont requises, à la fois pour s’adapter et pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en s’attaquant à des problèmes de fond de la société comme les inégalités ou la pauvreté, avec un souci de justice climatique. Pour l’instant, l’adaptation, insuffisamment financée et parfois inadaptée, est encore défaillante, et le réchauffement futur risque de limiter son efficacité.

Etat des lieux général : des progrès encore très limités

Depuis 8 ans et sa dernière évaluation, le GIEC note des progrès en termes l’adaptation. Les connaissances se sont accrues, de nouvelles politiques ont été adoptées et des dépenses spécifiques ont été effectuées, élargissant le champ de réponses possibles. Toutefois, l’adaptation prend principalement la forme de changements à la marge, souvent en réaction à des évènements extrêmes, alors que les actions transformatives se font attendre.

Elle se heurte à un manque de financements et de connaissances, particulièrement dans des régions vulnérables. Des barrières systémiques se posent : ressources limitées, secteur privé peu engagé, manque de leadership politique, faible prise de conscience de l’urgence… De plus, les changements transformatifs sont limités par des intérêts économiques et par la prévalence des institutions, normes et pratiques en place.

Les manquements en matière de finance sont criants pour l’adaptation.

Le rapport déplore notamment que l’engagement des pays développés de mobiliser 100 milliards de dollars par an pour les pays en développement n’ait toujours pas été respecté. Selon la médiane des modèles, les coûts d’adaptation de ces pays s’élèveraient pourtant à 127 milliards en 2030, et à 295 milliards en 2050, dont 50 milliards en Afrique. De plus, la finance soutient peu les innovations sociales et les solutions fondées sur la nature.

Pour les auteur·rices, réduire l’écart en matière d’adaptation suppose une vision de long terme et une action continue, dont le succès dépendra de notre compréhension de quelle option est faisable et efficace dans leur contexte spécifique.

Un fort changement climatique limite les capacités d’adaptation…

De la vitesse et de l’ampleur du changement climatique dépendra notre capacité – et celle des écosystèmes – à s’adapter. Le rapport identifie deux types de limites à l’adaptation :

Des limites souples ont déjà été observées pour certains écosystèmes, ainsi que pour certaines populations dans des régions montagneuses ou insulaires. L’adaptation de ces dernières face à l’élévation du niveau de la mer subira des limites strictes dès 1,5 °C. En effet, les protections naturelles ne suffiront plus face à l’accélération de l’élévation du niveau de la mer. Ce sera aussi le cas pour les barrières de corail, l’accès à l’eau dans certaines régions, et certaines activités productives et touristiques à l’extérieur. Dans de nombreuses régions, particulièrement les plus chaudes, un tel réchauffement posera également des limites souples et strictes à la réduction de la mortalité et de la perte de productivité dues à la chaleur. Enfin, à partir de 3 °C, ce sont les mesures de gestion de l’eau qui ne seraient plus efficaces, engendrant des conséquences sur la santé, l’agriculture, les déplacements de population…

Et engendre des phénomènes de maladaptation

Le rapport développe le concept de « maladaptation », qui désigne les mesures qui aggravent la vulnérabilité au changement climatique et ses impacts. Des exemples ont été observés dans de nombreuses régions, résultant de connaissances inappropriées, d’une approche en silo, et/ou de raisonnements à court terme.

A noter qu’une solution n’est pas forcément « bonne » ou « mauvaise » en soi, ses effets dépendent du contexte dans lequel elle et implémentée.

Là encore, ce sont les groupes défavorisés et les peuples autochtones qui sont les principales victimes de la maladaptation. Il est alors conseillé de les associer à l’élaboration des politiques d’adaptation, d’autant plus que les connaissances des autochtones sont précieuses pour comprendre des écosystèmes complexes. Il est important de prendre en compte les questions de justice sociale, en analysant les personnes les plus vulnérables, celles qui prennent les décisions, celles qui en profitent et celles qui en pâtissent, le tout dans une perspective de long terme.

La nature et les écosystèmes, au cœur de l’adaptation ?

Le rapport consacre une grande importance à « l’adaptation fondée sur les écosystèmes », qu’il définit comme « l’utilisation de la gestion des écosystèmes pour augmenter la résilience et réduire la vulnérabilité des personnes et des écosystèmes au changement climatique ». Il s’agit d’une forme de « solutions fondées sur la nature », c’est-à-dire des actions de protection, de restauration ou de gestion soutenable des écosystèmes qui bénéficient à la fois au bien-être des êtres humains et à la biodiversité.

Cette approche passe par exemple par la protection et la restauration de forêts, de prairies, de zones humides ou encore de mangroves. Cela englobe la réduction des perturbations engendrées par l’activité humaine en plus d’interventions spécifiques pour réduire les risques qui pèsent sur les écosystèmes.

Bien utilisée au bon endroit – elle n’échappe pas au risque de maladaptation – elle s’avère efficace contre les effets de l’élévation du niveau de la mer et les inondations, ses principaux usages pour le moment, mais aussi contre les sécheresses, les feux et les surchauffes. Par exemple, la végétation en ville contribue au rafraîchissant en apportant de l’ombre et via le phénomène d’évapotranspiration. Ces solutions en outre d’autres bénéfices comme la protection de la biodiversité ou le stockage de CO2.

A noter que le succès d’une telle approche est menacé par des hauts niveaux de réchauffement. Elle ne peut donc en aucun cas se substituer à la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Plus le réchauffement sera limité, plus le panel de solutions envisageables et leur efficacité seront grands.

Des options d’adaptation pour l’eau et l’agriculture

Parmi les solutions d’adaptation mises en avant, on en retrouve de nombreuses consacrées à l’alimentation et à l’accès à l’eau. Utilisées dans le bon contexte, elles apportent plusieurs bénéfices. C’est par exemple le cas de l’agroforesterie, de la diversification agricole ou d’une pêche écologique et adaptative qui soutiennent la productivité à long-terme tout en limitant les invasions de nuisibles, amortissant les variations de températures et en améliorant la santé du sol. Ces méthodes sont en générales plus efficaces à 1,5 °C qu’à 2 °C ou plus, à mesure notamment que la capacité d’irrigation se retrouve limitée.

Définitions

L’agroforesterie consiste à associer des arbres, des cultures et/ou des élevages sur une même parcelle agricole. Elle contribue à augmenter les rendements, améliorer la gestion de l’eau, restaurer la fertilité du sol et protéger la biodiversité.

La diversification agricole consiste à introduire de nouveaux élevages ou de nouvelles cultures sur une ferme, pour contrer les effets néfastes de la spécialisation. Elle permet de réduire l’utilisation d’intrants et d’augmenter la sécurité financière des exploitations.

Le pêche écologique et adaptative comprend les améliorations des pratiques de pêches pour les rendre plus durables et résilientes, via notamment une gestion plus flexible.

La bioénergie désigne les formes d’énergie dérivées de la biomasse. Le CO2 relâché lors de la combustion a été capturé par les plantes au cours de leur croissance, c’est pour cela qu’elle est présentée comme une solution d’atténuation, en remplacement d’énergies fossiles. Elle peut aussi être associée à une capture technologique de carbone. Son intérêt environnemental est toutefois limité par l’utilisation de terres et d’eau qu’elle induit.

Pourtant, ce sont plutôt des solutions qui promeuvent une intensification de la production qui sont largement adoptées, alors qu’elles s’accompagnent d’effets néfastes sur la biodiversité, les ressources en eau, les climats locaux ou la qualité des sols. Le rapport met aussi en garde contre certaines mesures d’atténuation, comme la bioénergie ou la reforestation, qui accroissent la pression sur les terres et les ressources en eau, engendrant une compétition voire des conflits, particulièrement dans les pays à bas revenus.

Il recommande de privilégier des solutions qui intègrent à la fois les enjeux d’atténuation et d’adaptation pour éviter ces écueils. Et prendre en compte la question des inégalités sociales et de la vulnérabilité est essentiel pour agir efficacement sur la sécurité alimentaire et de l’eau. Celui peut prendre la forme de programmes sociaux de protection lors des évènements climatiques extrêmes, de banques de graines communautaires, du renforcement de marchés locaux ou d’actions visant la réduction des inégalités.

Un potentiel d’adaptation à exploiter dans les villes

La croissance des villes offre l’opportunité d’intégrer la question de l’adaptation dans leur développement, y compris en modifiant les quartiers existants. Elles peuvent pour cela s’appuyer sur les connaissances acquises en termes de politique sociales, de solutions fondées sur la nature et d’infrastructures. Il est important d’y penser en amont : les petites villes à croissance rapide, mais aussi les mégapoles qui se sont développées sans prendre en compte le changement climatique auront plus de mal à s’adapter aux vagues de chaleur et aux inondations.

Nombreuses sont celles qui ont développé des plans d’adaptation. Mais le rapport déplore que la plupart se concentrent sur la réduction de risques climatiques isolés sans y associer des objectifs de réduction des émissions ou d’inégalités.

Pourtant, le rapport insiste sur le potentiel des villes pour améliorer la qualité de vie, la santé, l’inclusion, tout en réduisant leur vulnérabilité face au changement climatique et leur contribution à celui-ci, à travers une planification urbaine adaptée, des politiques sociales et des solutions fondées sur la nature.

Des enjeux sanitaires déterminants pour l’adaptation

Face à l’aggravation des risques sanitaires, le renforcement des systèmes de santé apparait comme une solution d’adaptation efficace à court et moyen terme. Mais les systèmes actuels sont globalement trop faibles, avant tout en raison d’un manque de financement. Des changements transformatifs sont nécessaires. Atténuer les risques sanitaires passe par de nombreuses autres actions, par exemple l’amélioration de la qualité de l’air grâce aux mobilités actives, des régimes alimentaires plus sains reposant sur des systèmes alimentaires durables, ou encore des solutions sur la nature qui agissent à la fois sur la santé physique et mentale.

La justice sociale et les inégalités, éléments incontournables de l’adaptation

Les réponses d’adaptation à court terme influenceront durablement la pauvreté, les inégalités et le bien-être.

Une adaptation juste et équitable doit faire participer des groupes historiquement exclus, comme les femmes, les jeunes ou les communautés marginalisées, et prendre en compte la question du genre. Le rapport met en avant les connaissances des populations autochtones et locales pour trouver les solutions adaptées aux contextes particuliers.

Un chemin proposé : le « développement résilient »

L’attention aux dimensions sociales s’inscrit dans le « développement résilient au climat » auquel le rapport consacre le dernier chapitre. Celui-ci consiste en des options d’adaptation et d’atténuation qui soutiennent le développement durable pour réduire le risque climatique pour tou·tes. Cet objectif implique des actions transformatives aussi bien dans le domaine de l’énergie, dans la protection des écosystèmes, dans l’industrie, dans les villes et au niveau sociétal.

En conclusion, l’objectif des 1,5 °C, qui implique une réduction des émissions de 45 % d’ici 2030 et d’atteindre le net-zéro d’ici 2050, est essentiel. Au-delà, les répercussions augmenteraient dangereusement, et certaines solutions pour s’y adapter ne suffiraient plus. La fenêtre d’action se referme doucement, et nous n’avons plus le luxe d’ignorer ces avertissements ou de nous contenter de demi-mesures. Mais il est encore possible d’agir, à tous les niveaux. Un avenir résilient est encore envisageable. Il implique d’emprunter dès maintenant le bon chemin.