COP30 : Bilan et enjeux clés de la Conférence de Belém

10 ans après la COP21 et l’Accord de Paris, Belém accueillait la COP30 sur les changements climatiques. Deux enjeux principaux l’animaient : la préservation d’un multilatéralisme climatique sous pression d’un côté, et une accélération de l’action climatique de l’autre. Le premier objectif semble rempli, avec une déclaration finale qui réaffirme les principes de l’Accord de Paris. Pour l’autre, l’ambition a manqué.

Cop30 Brasil Amazônia © Rafa Neddermeyer

Le contexte : une lumière au bout du tunnel ?

Le multilatéralisme climatique en pleine tempête

Les nuages qui s’amoncellent au-dessus de la COP climat semblent plus menaçants d’année en année. L’année dernière, déjà, les tensions internationales exacerbées par les conflits armés et commerciaux faisaient sérieusement tanguer le bateau onusien, au point d’implorer une « COP de la trêve » à Bakou.

Cette année, le deuxième plus gros pollueur au monde, les États-Unis, a carrément quitté le navire. Afféré dès son arrivée au pouvoir à saborder les politiques environnementales de son prédécesseur et la recherche sur le climat, décidé à torpiller la gouvernance climatique, son président Donald Trump n’a mis qu’une semaine à acter – pour la seconde fois – le retrait du pays de l’Accord de Paris. Restés à quai, les négociateurs américains étaient l’éléphant absent de la pièce.

Tandis que l’Union européenne, fragilisée par les divisions entre ses membres et dont le Green Deal prend l’eau, est de moins en moins en capacité de mener la barque. Pour assumer le leadership, les regards commencent à se tourner vers la Chine, nouvelle championne des énergies renouvelables, mais dont les engagements climatiques restent très prudents.

Des espoirs, malgré tout, et des attentes

Pourtant, l’annonce de la tenue de cette COP aux airs d’anniversaire, 10 ans après celle de Paris qui avait accouché de l’accord éponyme, au Brésil de Lula, avait fait naître un espoir. Dans une symétrie avec son homologue américain, il s’était porté candidat au nom de son pays pour l’accueillir juste après son retour au pouvoir lors de la COP27 – la nouvelle a été officialisée dès la suivante à Dubaï.

Maintenant que les énergies fossiles étaient enfin mentionnées dans un accord final, cette COP dans la forêt amazonienne, au surnom contesté de poumon de la planète, devait être celle de l’ambition, pour accélérer la transition hors des énergies fossiles et s’attaquer à la déforestation.

Compte tenu du contexte, des attentes fortes pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord de Paris, et de poursuivre son objectif de plus en plus hypothétique de tenter de limiter le réchauffement global à 1,5 °C, s’est ajoutée la défense du cadre multilatéral de l’action climatique.

C’est donc une mission double, offensive et défensive, qui a été attribuée à cette trentième COP. Mission impossible ?

Nous aspirons à ce que Belém soit considérée comme le point de départ d’un mouvement mondial, annonçant une action climatique accélérée, renforcée et exponentielle grâce à une coopération internationale beaucoup plus profonde dans le cadre multilatéral sur le climat… 2025 doit être l’année où nous transformerons notre tristesse et notre indignation en une action collective et constructive.

André Corrêa do Lago, président de la COP30, le 10 novembre 2025 (Le Grand Continent)

12 jours, 11 nuits

Un long travail de préparation

Pour la relever, c’est André Corrêa do Lago qui a endossé le rôle de maître de cérémonie. Économiste et diplomate, il est devenu le premier négociateur lors de COP à en présider une. Un profil qui a davantage convaincu les associations environnementales que certains de ses prédécesseurs.

André Corrêa do Lago et Marina Silva, à la fin du sommet. © Rafa Neddermeyer/COP30

Autre personnage central : la ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Marina Silva, elle-même née au cœur de l’Amazonie, historienne et militante écologiste de longue date.

La COP30 clôturait pour la présidence brésilienne une dynamique de trois ans, ponctuée par le Sommet de l’Amazonie à Belém (déjà) en 2023, le G20 à Rio en 2024 et sommet BRICS+ de 2025 dans la même ville, lui permettant d’affirmer son leadership dans la diplomatie climatique.

Pour que l’anniversaire des 10 ans de Paris soit réussi, la présidence de la COP30 a énoncé trois priorités,  plusieurs mois avant le début du sommet :

C’est sur un terrain préparé, bien que miné, que cette COP devait aboutir à des résultats concrets, et vite.

Après un bon départ, la COP s’est essoufflée

Pour ne pas perdre de temps, le sommet des dirigeants qui occupe habituellement les deux premiers jours s’est tenu avant le début de la COP. Malgré l’absence des dirigeants indiens, chinois et américains, le président Lula y a affiché son ambition, avec la volonté d’obtenir deux feuilles de route, pour « surmonter la dépendance aux énergies fossiles » et pour « inverser la déforestation ».

Lula lors du sommet des dirigeants. © Rafa Neddermeyer/COP30

Dès la plénière d’ouverture, la présidence a annoncé des consultations politiques sur les thèmes les plus brûlants : le financement, le commerce, l’ambition 1,5 °C et le reporting des émissions, en parallèle du travail sur les sujets plus techniques.

Un certain optimisme se dégageait, rattrapé progressivement par la difficulté à trouver des compromis, notamment sur la question du financement, des objectifs nationaux de réduction des émissions et du commerce. Les avancées espérées dès la première semaine ne se sont pas concrétisées.

Pour dénouer la situation, la présidence a imaginé des binômes pays développés/pays en développement pour mener les discussions sur les principaux thèmes. Les ministres sont arrivés à la rescousse en début de 2ᵉ semaine pour marteler l’urgence et l’importance d’agir. Fallait-il voir un signe lorsqu’un incendie s’est déclaré dans la dernière ligne droite ?

André Corrêa do Lago et l’administratrice de la COP30 Ana Toni animent une table ronde ministérielle. © Rafa Pereira/COP30

Le texte clé final, dont la forme restait à préciser, était espéré plusieurs jours avant la clôture officielle. Il aura finalement fallu attendre les prolongations pour que les négociations aboutissent.

Le « Global mutirão » au secours du multilatéralisme

La conférence s’est conclue, avec 27 heures de retard, sur une série de décisions techniques et à un ensemble de mesures politiques regroupées sous le nom de « Global Mutirão ».

Pour faire de cette COP un catalyseur d’action concrète et collective, la présidence s’est appuyée sur le concept de « Mutirão », un terme venant des langues tupi-guarani qui symbolise l’effort collectif pour un but commun et la solidarité.

Ce document approuvé en plénière y défend clairement le multilatéralisme climatique, une victoire compte tenu du contexte. Les Parties y affichent leur unité dans la célébration des 10 ans de l’Accord de Paris et réaffirment ses principes et objectifs.

« Mutirão », le mot de la COP30. © Rafa Neddermeyer/COP30

Une arrivée sans fanfare

Néanmoins, son manque d’ambition a été pointé du doigt. C’est le jeu du consensus : les accords se fondent généralement sur le plus petit dénominateur commun.

Parmi les principales annonces qu’il comporte, on trouve un appel à tripler le financement de l’adaptation et le lancement de divers instruments et dialogues pour accélérer la réduction d’émissions. Mais pas de mention explicite des énergies fossiles. Les feuilles de route espérées ? Envolées avant la version finale.

Ensuite le président de la COP a entériné les autres textes majeurs, trop rapidement aux goûts de certains membres, se plaignant d’avoir été ignorés quand ils voulaient intervenir – nous y reviendrons –, entraînant une suspension d’une heure. 6 heures – et 150 pages de nouveaux textes adoptés – plus tard, la Conférence se clôturait sur un goût légèrement amer.

Qu’ont donné les discussions sur les principaux sujets, et comment expliquer ce pâle résultat ?

Energies fossiles et déforestation : où sont les feuilles de route ?

Pour les énergies fossiles, une bataille après l’autre

Depuis la mention d’une « transition hors des hydrocarbures dans les systèmes énergétiques » dans l’accord final de la COP28, la mention des énergies fossiles est devenue une question incontournable des COP : va-t-on afficher plus clairement la volonté commune de sortir des énergies fossiles, principales sources des émissions de CO2, ou au contraire reculer sous la pression de pays producteurs ?

Après les annonces de Lula sur une feuille de route pour « surmonter la dépendance aux énergies fossiles », plusieurs groupes d’États ont appuyé cette proposition, dont certains producteurs comme la Colombie, l’Australie, la Norvège ou le pays hôte. Certains ont même fait de la présence de cette feuille de route une condition pour approuver un accord final, via une lettre à la présidence ou une conférence de presse. Tandis que de l’autre côté, des pays dont l’Arabie Saoudite et la Russie s’opposaient à toute mention des énergies fossiles.

La déforestation, star déchue

C’était le premier sujet que Lula avait mis en avant lors de l’obtention de l’organisation du sommet. Mettre la déforestation au cœur de discussions tenues au sein de la forêt amazonienne, tout un symbole. 2 ans après le Sommet de l’Amazonie dans la même ville. À Glasgow (COP26), plus de 130 pays s’étaient engagés à inverser la déforestation d’ici 2030c’est mal parti – et le Brésil a lancé un fonds pour préserver les forêts tropicales en amont de la COP30.

La forêt amazonienne, décor récurrent de cette COP. © Rafa Pereira/COP30

Lorsque le sommet a démarré, la feuille de route sur la déforestation est passée au second plan, derrière celle sur les énergies fossiles, mais elle a tout de même rassemblé le soutien de plus de 90 pays. Mais des associations, dont la WWF, ont déploré un manque de volonté politique pour la concrétiser.

Les feuilles de route à la porte… pour revenir par la fenêtre ?

Finalement, le jeu du consensus aura eu la peau de l’ambition. Pour sauver l’approbation du texte final, il a fallu y sacrifier la mention de ces deux feuilles de route. Mais, reconnaissant la déception de nombreux pays, André Corrêa do Lago a annoncé que la présidence les produirait, en parallèle du processus des COP.

Le sort des énergies fossiles sera rediscuté lors d’une conférence en Colombie et aux Pays-Bas sur la transition hors des énergies fossiles. Quant à la déforestation, le Brésil a officiellement lancé juste avant la COP un mécanisme de marché pour les forêts (le TTTF), qui ne fait pas l’unanimité.

L’engagement des États demeure insuffisant

Selon le principe de l’Accord de Paris, c’est aux États de prendre leurs propres engagements, pour tenter de limiter le réchauffement collectivement à 1,5 °C. Problème : même si ces promesses nationales sont tenues, on est loin du compte.

D’après le Programme des Nations-Unies pour l’environnement (PNUE), les « Contributions déterminées au niveau national » (CDN) en amont de la COP nous dirigeraient vers un réchauffement de 2,4 °C en 2100 (0,2 °C de moins que l’année précédente), et les politiques engagées à + 2,7 °C. L’Inde, l’Argentine et l’Arabie Saoudite font partie des 76 pays qui n’ont toujours pas déposé les nouvelles CDN demandées.

Face à ce constat, le Global mutirão rappelle les pays à leurs obligations – c’est devenu une rengaine à chaque COP – et insiste sur l’accélération de la mise en œuvre pour remplir ces promesses. A cette fin, deux initiatives ont été annoncées, dont les contours restent flous :

« La COP de Adaptation » ?

Une lettre de la présidence a donné le ton : « la COP30 doit être la COP de l’adaptation ». Sujet longtemps passé au second plan, celle-ci faisait pourtant bien l’objet d’un « but global » (Global goal on adaptation, GGA) dans l’Accord de Paris. Assez flou, il devait faire l’objet de cibles et de recommandations concrètes. Les choses ont avancé lentement, avec un programme lancé lors de la COP26 (Glasgow, 2021) pour les préciser, puis un cadre adopté 2 ans plus tard (Dubaï, 2023), un long labeur qui devait enfin aboutir à Belém. La tâche n’était pas mince : 100 indicateurs devaient être sélectionnés et approuvés, sur près de 10 000 au départ. Et, pour atteindre les cibles, la question du financement était incontournable.

Le financement, éternel nerf de la guerre

L’année dernière, le financement climatique avait été le principal sujet de négociation. L’ombre de l’accord décevant trouvé a continué à planer sur les discussions, qui se sont cette fois concentrées sur le financement de l’adaptation. Avec toujours la même rengaine : face aux demandes des pays en développement, les pays développés exigent un rehaussement de leurs ambitions climatiques pour accepter de nouvelles promesses. L’Union européenne s’est retrouvée en première ligne des critiques adressées par les pays du Sud.

40 milliards de dollars avaient été promis à Glasgow pour 2025, promesse qui n’est pas en passe d’être respectée selon le PNUE. Ce alors qu’il estime le besoin des pays en développement à … 310 milliards par an.

Les négociations tournent au calvaire

Les négociations ont été extrêmement laborieuses sur ces deux sujets principaux, le financement et les indicateurs. Même lorsqu’André Corrêa do Lago a cru entériner enfin un accord définitif sur le Global goal on adaptation, son coup de marteau n’a pas suffi à y mettre fin. Le Panama a pris la parole pour dénoncer une version « bâclée », rejoint par d’autres pays sud-américains et l’Union européenne, déclarant ne pas pouvoir la soutenir. La plénière a dû être interrompue pour d’ultimes discussions, il a été décidé que la copie devra être revue lors de la conférence annuelle de Bonn qui se tient entre deux COP.

La plénière de clôture a dû être interrompue pendant une heure suite aux critiques formulées sur le GGA. © Ueslei Marcelino/COP30

Un objectif de financement a été inclus dans le Global mutirão, après d’âpres négociations, comme en témoignent les versions qui se sont succédées comme la faiblesse de la formulation finale. Le texte réaffirme l’objectif de doubler le financement entre 2020 et… 2025, et appelle à des efforts pour au moins tripler le financement de l’adaptation d’ici 2035, sans date de référence. Contre 120 milliards en 2030 demandés par le groupe des pays les moins développés, soit trois fois plus que le précédent objectif pour 2025.

La COP des peuples et de la vie réelle ?

« Relier le régime climatique à la vie quotidienne des gens ». Tout un programme, ce deuxième grand objectif affiché pour cette COP. Il s’est matérialisé sous plusieurs aspects :

« La marche mondiale : la réponse, c’est nous », lors du 8e jour. © Hermes Caruzo/COP30
Raoni Metuktire, un des grands chefs du peuple Kayapos et figure écologiste. © Antonio Scorza/COP30

Pour celles qui viendront après, perspectives en clair-obscur de la COP30

Le terme clé pour parler des perspectives autour de cette COP ? Multilatéralisme. Plus que jamais, la défense de ce principe qui a animé les discussions climatiques depuis la signature de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (en 1992 à Rio) était en jeu.

Le départ des États-Unis, couplé à l’agressivité de son président contre les politiques climatiques mondiales, aurait pu entraîner derrière lui celui de ses alliés ou admirateurs. Il n’en a rien été : les autres pays étaient au rendez-vous, et ont réaffirmé leur attachement au multilatéralisme climatique et à l’Accord de Paris.

Cette COP aura également montré les limites de ce principe, comme en témoigne la déception liée au manque d’ambition du texte final. Accorder tout le monde tout en affichant un niveau d’ambition au niveau de l’urgence climatique : l’équation semble insoluble. Mais, le sommet aura dévoilé une porte de sortie, hors du régime onusien classique. Des alliances entre États se sont créées ou renforcées, notamment sur la question des énergies fossiles. Les deux feuilles de route qui n’ont pas trouvé leur place dans le document final verront le jour en parallèle. D’autres grands sommets environnementaux apparaissent. Et, pour accélérer la mise en œuvre, un grand travail reste à faire au niveau national.

L’approche par consensus aura eu ses mérites, et permis à Paris de mettre d’accord tous les pays du monde sur un cadre et des objectifs de réchauffement à respecter. 10 ans plus tard, il semble nécessaire de la dépasser pour tenter de les atteindre. Cette COP au Brésil nous offre un mot pour nous guider dans ce but : mutirão.