Le PNACC 3 ou comment la France se prépare au pire ?
Face à l’accélération du changement climatique, la France s’est dotée de son 3e plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC 3) le 10 mars 2025. Celui-ci vise à préparer le pays à une hausse de la température moyenne nationale pouvant atteindre +4°C d’ici 2100 en renforçant la résilience de la population, des territoires, des infrastructures, de l’économie et des écosystèmes. Explications et analyse du nouveau PNACC.
L’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée, dépassant pour la première fois le seuil de 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle au niveau global. En France, la dernière décennie a été en moyenne 2,2°C plus chaude que pendant cette période de référence.
Alors que les effets du changement climatique se font déjà sentir, il est urgent d’aller plus loin dans l’action climatique, à la fois pour limiter l’ampleur du réchauffement (atténuation) et se préparer à ses conséquences (adaptation).
D’autant plus que comme l’estime le Haut-Conseil pour le Climat (HCC), la France « n’est pas encore prête » à affronter les impacts du changement climatique. Un plan national ambitieux est donc nécessaire.
Le PNACC 3, qu’est-ce que c’est ?
Un pilier de la Stratégie française pour l’Energie et le Climat
Le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) est un outil crucial pour l’adaptation du pays aux impacts des changements climatiques présents et futurs. Son objectif est de mettre en place, en complément d’actions d’atténuation, des mesures adaptatives afin de limiter les effets négatifs du dérèglement climatique sur la société et la nature.
Il ne se présente pas comme un document juridique mais plutôt comme une stratégie nationale pour les prochaines années. Il offre ainsi un cadre essentiel à la mise en œuvre de mesures adaptatives pour nous préparer à vivre dans une France au climat changé.
Alors que le premier PNACC remonte à 2011, la troisième version couvre la période 2024-2030. Il s’agit d’un des trois documents clés de la Stratégie française pour l’Energie et le Climat (SFEC), dont les dernières versions ont été présentées en 2024 ou 2025, avec :
- la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), qui définit une trajectoire et des orientations pour atteindre la neutralité carbone
- la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), pour piloter la transition énergétique française.
Une France à +4°C en 2100 ?
Pour planifier sa stratégie d’adaptation, le gouvernement s’est appuyé sur une trajectoire de réchauffement de référence (TRACC). Pensée à partir des scénarii du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), la TRACC choisie envisage qu’en 2100, les températures moyennes annuelles en France que nous connaissons seront 4 °C plus chaudes que lors de la période préindustrielle. Cela correspond à un réchauffement global d’environ 3 °C, conforme aux projections basées sur la poursuite des politiques actuelles.
La TRACC fixe des paliers de réchauffement auxquels il faudra s’adapter :
- +2°C en 2030,
- + 2,7°C en 2050,
- +4°C en 2100.
Elle sert ainsi de « boussole » au PNACC 3 et permet d’orienter ses actions selon la projection de ce climat futur.
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Un plan pour anticiper et mobiliser pour l’adaptation
Le PNACC 3 présente 52 mesures et plus de 200 actions. Il met l’accent sur l’anticipation, en s’appuyant sur des données scientifiques qui permettent l’aide à la décision. Les actions envisagées ont été réfléchies pour être progressives en s’inscrivant sur le court, moyen et long terme.
Le plan adopte aussi une démarche de priorisation des secteurs les plus vulnérables au changement climatique. Il favorise les co-bénéfices, c’est-à-dire les actions qui apportent des avantages multiples pour l’environnement mais aussi les sociétés humaines.
Enfin, il met en avant la mobilisation collective pour faire face au changement climatique tout en prenant en compte les disparités entre les territoires.
Ses objectifs sont déclinés en 5 grands axes :
« Protéger la population et les territoires des risques accrus »
Avec le changement climatique, il est devenu primordial d’intensifier les démarches de prévention des risques naturels afin de protéger la population et de rendre les territoires résilients. Pour ce faire, plusieurs mesures ont été annoncées afin de les anticiper. Parmi elles :
- Le renforcement de fonds Barnier : le fonds de prévention des risques naturels majeurs sera alloué d’un budget de 300 millions d’euros par an d’ici 2026.
Le saviez-vous ? La Caisse centrale de réassurance estime qu’1 € investi dans la prévention évite 8 € de dommages.
- L’adaptation des bâtiments aux fortes chaleurs : le climat de demain et le confort thermique d’été devront être pris en compte dans les nouvelles constructions et la rénovation des logements existants.
- L’amélioration des connaissances sur les phénomènes naturels, tels que le retrait-gonflement des argiles, afin d’intégrer les acteurs publics, privés et assurantiels dans la prévention et l’adaptation du bâti.
- Développer une culture du risque, en renforçant les actions de communication et de sensibilisation de la population sur les risques naturels et sur les bons comportements en cas de crise.
« Assurer la résilience des territoires, des infrastructures et des services essentiels »
Afin que les territoires puissent continuer à fonctionner malgré les crises, leur adaptation ainsi que celle des infrastructures et services est primordiale. Tous les secteurs sont concernés, notamment ceux des transports, de l’énergie ou encore la planification publique. Les mesures proposées dans ce volet ont pour objectif de garantir la continuité des services essentiels en mobilisant la recherche et les connaissances scientifiques afin de s’y préparer au mieux.
Pour ce faire :
- Les infrastructures de transport et énergétiques seront renforcées afin de prévenir les blocages et les coupures lors d’événements climatiques extrêmes tels que les vagues de chaleur ou les inondations.
- Des solutions fondées sur la nature seront intégrées à l’aménagement du territoire. Elles permettent de répondre aux enjeux climatiques en préservant et en restaurant les écosystèmes.
- Les collectivités seront soutenues et accompagnées au travers de la « Mission adaptation » dans l’élaboration de leur plan d’adaptation local.
« Adapter les activités humaines : assurer la résilience économique et la souveraineté alimentaire, économique et énergétique »
Le PNACC 3 a également pour but d’adapter les activités humaines et plus globalement l’économie aux nouvelles réalités climatiques. Il met l’accent sur les secteurs les plus exposés et les plus vulnérables à ces changements.
En ce sens, il prévoit par exemple de :
- Soutenir l’adaptation de l’agriculture pour faire face aux phénomènes climatiques extrêmes tels que les sécheresses.
- Encourager les entreprises à intégrer l’adaptation dans leur stratégie au travers d’outils financiers et de formations.
- Repenser le tourisme pour limiter son exposition et favoriser un modèle plus durable.
« Protéger le patrimoine naturel et culturel »
Le changement climatique menace également les milieux naturels et le patrimoine culturel des populations. Afin de les préserver, le PNACC 3 évoque notamment :
- Des actions de prévention et de restauration des écosystèmes, afin de préserver leur fonction et les bénéfices pour les sociétés humaines et l’environnement générés.
- L’adaptation des sites culturels, comme le Mont Saint-Michel ou la tour Eiffel, pour les prémunir des impacts du changement climatique.
« Mobiliser les forces vives de la Nation pour une adaptation réussie »
La réussite de 3e plan national d’adaptation au changement climatique repose principalement sur la mobilisation collective. Pour ce faire, il prévoit plusieurs mesures qui permettront un engagement et un socle de connaissances communs, dont :
- La formation des agents publics aux enjeux climatiques et d’adaptation.
- La sensibilisation et la mobilisation des citoyens pour l’adaptation et la prévention des risques, pour développer une culture de l’adaptation et du risque.
- La mobilisation des sciences pour améliorer la compréhension des impacts des changements climatiques sur la société et l’environnement.
Un plan à la hauteur des enjeux
Enfin une trajectoire de référence, mais elle n’anticipe pas le pire
Le PNACC 3 est le premier plan construit autour d’une trajectoire de réchauffement de référence, ce qui constitue une avancée importante pour anticiper correctement l’évolution du climat et adopter des mesures appropriées.
Cette trajectoire (la TRACC) est cohérente avec les projections actuelles, mais le réchauffement réel pourrait être supérieur si les émissions de gaz à effet de serre sont supérieures à celles attendues. De plus, malgré des progrès importants, les modèles climatiques comportent toujours des incertitudes. Des scénarios plus pessimistes doivent donc être envisagés car ils ne peuvent pas être écartés.
De plus, certains événements climatiques, qui ont de faibles chances de se produire, mais qui ne sont pas négligeables, auraient des effets dramatiques qu’il convient également d’anticiper. Ce sont par exemple des canicules extrêmes, une élévation très rapide du niveau de la mer due à la fonte rapide des glaciers antarctiques, ou un assèchement de l’Europe lié à l’effondrement de la Circulation méridienne de retournement Atlantique.
En raison de ces incertitudes, même si le PNACC se base sur une trajectoire probable, il ne prépare pas encore au pire.
Une approche systémique, mais pas encore transformationnelle
Logements, agriculture, tourisme, transports, milieux naturels… Les mesures du plan couvrent l’ensemble des secteurs, et s’inscrivent dans une démarche systémique. Il cherche à y développer partout le « réflexe adaptation » engageant une « culture de la résilience ». Une nécessité car le changement climatique affecte nos sociétés de manière globale. Il cible également tous les acteurs : collectivités, citoyens, entreprises, assureurs, Sécurité civile…
Pour que l’adaptation soit prise en compte à tous les niveaux, le plan prévoit de l’intégrer dans les documents stratégiques dispositifs existants, tels que les plans locaux d’urbanisme et les politiques de la ville (quartiers prioritaires).
En revanche, ce plan n’engage encore que peu de changements en profondeur, de transformations d’ampleur, mais cherche plutôt à préserver les activités et secteurs face au changement climatique tels qu’ils sont. Or, à mesure que les impacts du changement climatique s’intensifieront, une adaptation dite « transformationnelle » deviendra indispensable.
Adaptation incrémentale : elle repose sur le maintien du système existant où les mesures mises en œuvre permettent d’assurer la résilience sans modification fondamentale. Elle permet des actions sur le court-terme mais n’est pas toujours suffisante sur le long-terme.
Exemples : construction de digues, installation de brumisateurs…
Adaptation transformationnelle : elle engendre une modification des attributs fondamentaux d’un système et repose ainsi sur une transformation en profondeur de son organisation. Elle est souvent issue d’une impossibilité de s’adapter à la marge et est donc difficile à engager sur le court-terme.
Exemples : transformation de l’urbanisme, retrait stratégique sur les côtes…
Pour réussir, il faudra des moyens à la hauteur des ambitions
Malgré ses limites, le PNACC 3 comporte de nombreuses avancées et mesures importantes. Pour qu’elles soient mises en œuvre et parviennent à leurs objectifs, il reste encore à instaurer un cadre réglementaire contraignant et un plan de financement précis.
Pour permettre une adaptation « à la hauteur des enjeux », le Haut Conseil pour le Climat a formulé 5 conditions de réussite dans un avis publié en mars 2025. Il recommande une précision de la mise en œuvre des actions au travers du renforcement de la gouvernance de la transition et des moyens financiers pour couvrir les besoins identifiés. Il met également l’accent sur la nécessité d’accorder une valeur juridique au PNACC 3 afin de le rendre contraignant et ainsi garantir la réalisation des actions.
Sans une adaptation territorialisée et dotée de moyens à la hauteur, la France risque de rester en décalage avec l’urgence climatique.