ParisPluie : un plan innovant pour une meilleure gestion de l’eau en Ville

Face aux risques engendrés par les pluies extrêmes, aggravées par le changement climatique, la Ville de Paris engage des transformations importantes. Elle a notamment adopté, en mars 2018, le Plan ParisPluie, s’engageant à suivre une politique de gestion alternative des eaux pluviales pour sortir du tout-à-l’égout et faire de l’eau de pluie une ressource précieuse. Explication de ce plan innovant.
Ce plan a pour objectifs principaux de :
- Faire de l’eau de pluie une ressource valorisée au plus proche de là où elle tombe,
- Restaurer le cycle naturel de l’eau,
- Favoriser le développement d’îlots de fraîcheur grâce à un sol plus perméable et une végétalisation plus importante,
- Limiter les rejets dans le tout-à-l’égout,
- Eviter les risques de débordement et la pollution de la Seine.
Il s’applique au travers de projets mis en œuvre par la Ville de Paris et d’un zonage pluvial qui règlemente la gestion des eaux pluviales.
Pourquoi un Plan ParisPluie ?
Comme beaucoup de grandes villes, notre capitale est très minérale et s’est progressivement recouverte de matériaux imperméables. Lorsqu’il pleut, plutôt que de s’infiltrer dans les sols, l’eau « ruisselle » en surface et est évacuée dans un réseau souterrain.
A Paris, comme sur l’ensemble de l’ancien département de la Seine, c’est un réseau d’assainissement « unitaire » qui gère à la fois les eaux usées et les eaux de pluie. Elles se mélangent et s’écoulent dans les égouts, pour être ensuite traitées dans des stations d’épuration. Lors de fortes pluies, le réseau peut saturer et une partie de l’eau doit être rejetée dans la Seine pour éviter au maximum des débordements sur les espaces public et privé.
Lorsque les égouts sont trop pleins, de l’eau sale, qui n’a pas été traitée en station d’épuration, est déversée dans le fleuve, contribuant à sa pollution. De plus, des pluies extrêmes génèrent l’inondation des rues en surface et des infrastructures souterraines, comme certaines stations de métro : c’est ce qu’on appelle les inondations « par ruissellement ». Il s’agit d’une des principales vulnérabilités de Paris face au changement climatique, qui devrait rendre ces épisodes de pluies extrêmes encore plus intenses.
Pour endiguer ce phénomène, la Ville de Paris agit sur deux leviers :
- D’abord la modernisation du réseau d’assainissement, engagée depuis 1990, permettant de diviser par 10 les rejets en temps de pluie.
- Dans un second temps, la réduction du volume d’eau envoyée vers le réseau d’assainissement, en favorisant l’infiltration, l’évapotranspiration et la récupération sur place de l’eau de pluie. C’est tout l’objectif du plan ParisPluie.
Transformer Paris en éponge ?
Longtemps considérée comme un déchet, un changement de paradigme s’opère sur la gestion des eaux de pluie. Après une longue phase d’imperméabilisation croissante, la volonté de la Ville de se transformer en « ville-éponge », où la pluie est valorisée au plus proche de là où elle tombe, a fait émerger une stratégie de gestion des eaux pluviales dans les projets d’aménagement publics mais aussi privés.
Actuellement, 26% du territoire parisien est désimperméabilisé, l’objectif de la Ville est d’atteindre 40% du territoire non imperméabilisé d’ici 2050.
Finis les rejets de petites pluies dans les avaloirs et les égouts, l’heure est à la création de zones tampons et à la désimperméabilisation pour favoriser l’hydratation des végétaux, l’évapotranspiration et l’infiltration de la pluie. En bref, restaurer le cycle naturel de l’eau !
Différentes stratégies peuvent être mises en œuvre pour gérer l’eau de pluie au plus près de là où elle tombe :
- Permettre à l’eau de s’infiltrer dans les sols en désimperméabilisant les surfaces et en réintroduisant des espaces de pleine-terre.
- Stocker temporairement les volumes d’eau de pluie importants grâce aux toitures végétales, aux noues urbaines ou aux jardins de pluie qui agissent comme des zones tampon et favorisent l’évaporation et/ou l’infiltration des eaux.
- Accepter la présence de l’eau en rendant des espaces temporairement inondables afin de limiter les rejets dans le réseau et laisser à l’eau le temps de s’évaporer.
- Récupérer l’eau pour l’utiliser sur place, par exemple en déconnectant les gouttières et en installant des récupérateurs d’eau.

Toutefois, même si l’objectif est de tendre vers le « zéro rejet », il est important de souligner que la complexité des sous-sols parisiens ne permet pas toujours l’infiltration en pleine-terre. La présence du métro, de carrières et de gypse (qui est soluble dans l’eau) limite l’infiltration des eaux pour des raisons de stabilité des sols. Il est alors nécessaire dans certains projets d’étanchéifier en sous-sols, en favorisant l’évaporation et l’hydratation des végétaux puis en rejetant le surplus d’eau lors des fortes pluies.
Au-delà de la gestion des eaux pluviales et contrairement aux solutions techniques telles que les bassins de stockage, les actions de désimperméabilisation et de végétalisation ont de nombreux co-bénéfices. Elles participent au rafraîchissement urbain, à la biodiversité et à la dépollution de la ville.
Pour transformer Paris en ville-éponge, il est nécessaire d’agir partout où cela est possible. La stratégie de la Ville repose alors sur la combinaison d’actions municipales et privées pour désimperméabiliser le territoire par petites touches.
Une gestion intégrée des eaux de pluie par la Ville
Pour appliquer ces principes dans l’espace public, la Ville de Paris met en œuvre des actions de végétalisation afin de limiter les ruissellements d’eaux de pluie et de les déconnecter du réseau d’assainissement. Ces interventions permettent de réintroduire des sols perméables et de la nature en ville tout en prenant en compte la complexité des sous-sols parisiens (réseaux de transports, carrières, gypse…). En voici quelques exemples.
La requalification de la rue Brillat Savarin, 13e arrondissement
Une partie de la rue Brillat-Savarin, située dans le 13e arrondissement de Paris, a fait l’objet d’une requalification qui intègre une meilleure gestion des eaux de pluie et limite les rejets dans le réseau d’assainissement. Des jardinières avec un filtre naturel dépolluant ont été installées, elles ont été conçues afin de capter et filtrer les eaux de pluie. Elles apportent également une touche végétale à la rue, qui était avant très minérale. Le dénivelé de la rue a aussi été retravaillé pour favoriser un meilleur écoulement des eaux de pluie vers les espaces verts.
Place Port-au-Prince, 13e arrondissement
La Place Port-au-Prince, située près de la Porte de Choisy dans le 13e arrondissement, a bénéficié d’un projet de végétalisation et d’une gestion intégrée des eaux de pluie. Des jardinières ont été installées, elles permettent de collecter les eaux de pluie qui s’écoulent de la voirie.
Arena Porte-de-la-Chapelle, 18e arrondissement
Avec l’arrivée des Jeux Olympiques de Paris, l’Arena Porte-de-la-Chapelle a été construite et son parvis intègre des espaces verts décaissés, conçus pour recevoir les eaux de pluie provenant de la voirie. Ceux-ci sont temporairement inondables et favorisent l’évapotranspiration. Le dénivelé du parvis a également été repris afin de permettre aux eaux de pluie de s’écouler vers les espaces verts.
ZAC Saint-Vincent-de-Paul, 14e arrondissement
Le projet de la ZAC Saint-Vincent-de-Paul intègre une gestion des eaux pluviales au travers d’une végétalisation et d’une désimperméabilisation des sols. Lors de fortes pluies, elle est aménagée de sorte qu’une partie des espaces soient temporairement inondables mais permettent la circulation piétonne et un accès aux logements.
Agir sur la gestion des eaux pluviales des espaces privés : le rôle du zonage pluvial de Paris
Au-delà de ses propres projets, la Ville impose et incite les propriétaires privés (entreprises et particuliers) à agir sur leur parcelle pour réduire les rejets d’eau pluvial vers le réseau d’assainissement. Cela passe ainsi par le respect d’un zonage pluvial, obligatoire dans les collectivités depuis 1992, et au travers du dispositif parisien CoprOasis à destination des copropriétés.
Le zonage pluvial, en quoi ça consiste ?
Pour valoriser les eaux de pluie au plus près de là où elle tombe, tous les acteurs doivent être mobilisés. Le zonage d’assainissement opposable impose aux projets d’aménagement privés des règles de gestion à la parcelle d’un certain niveau de pluie afin de limiter les rejets dans le réseau d’assainissement.
Ce zonage, annexé au PLU bioclimatique, délimite des zones géographiques dans Paris selon le réseau hydraulique existant et les caractéristiques du sol. Pour chaque zone, l’objectif de « lame d’eau » (en millimètres) à récupérer sur la parcelle sera ainsi plus ou moins important :

Mieux comprendre :
- Le concept d’ « abattement volumique » : il indique le volume d’eau qui doit être « géré » sur la parcelle, sans être rejeté dans le réseau d’assainissement.
- Le concept de « lame d’eau » : il renvoie au volume d’eau à gérer : une lame d’eau de 4 mm représente 4 litres d’eau tombés sur un mètre carré, ici en 24 heures. A noter qu’une pluie courante équivaut à une lame d’eau de 8 mm en 24 heures, elle représente 80% du volume d’eau de pluie qui tombe chaque année.
Pour qu’un projet d’aménagement soit approuvé par la Ville, il doit inclure une gestion intégrée des eaux pluviales. Cela passe ainsi par la désimperméabilisation d’une partie de la parcelle, l’installation d’une cuve de récupération des eaux de pluie, une toiture végétale… et autant de projets ambitieux en la matière !
Inciter les copropriétés à une meilleure gestion des eaux de pluie : l’objectif du Dispositif CoprOasis
En 2023, la Ville de Paris a mis en place le dispositif CoprOasis. Avec l’Agence Parisienne du Climat comme porte d’entrée unique au dispositif, il accorde des subventions aux copropriétés souhaitant mettre en place des projets de végétalisation et de désimperméabilisation. À la fois porté par la Direction des Espaces Verts et de l’Environnement (DEVE) et la Direction de la Propreté et de l’Eau (DPE), ce dispositif s’applique à des projets répondant à des critères spécifiques, dont la gestion intégrée des eaux pluviales. Il agit ainsi comme un levier de la Ville pour appliquer son plan ParisPluie sur l’espace privé.