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Comment améliorer le confort des passant·es pendant les fortes chaleurs ?
Lors des fortes chaleurs, il devient difficile de se déplacer à Paris. Comment faire pour limiter la surchauffe pour les passant·es, alors même que le climat devrait se réchauffer ?
D’ici le milieu du siècle, le nombre de jours extrêmement chauds (où la température dépasse les 35 °C) pourrait être multiplié par 5 à Paris d’après Météo-France. Les sorties estivales dans les rues de Paris, à pied ou à vélo, pourraient devenir suffocantes, d’autant que la morphologie urbaine parisienne renforce les effets des vagues de chaleur. Il est donc important d’adapter la ville dès maintenant pour améliorer le confort thermique des passant·es, mais aussi permettre de nouveaux usages de l’espace public et plusieurs solutions existent.
Créer de l’ombre
Les arbres : un allié contre la chaleur
Là où ils peuvent être plantés, les arbres sont une arme efficace contre la chaleur de l’espace public. Ils absorbent et réfléchissent une partie des rayons solaires, leur ombre réduit la température en dessous et limite l’accumulation de chaleur par le sol et les façades. De plus, ils « transpirent » par leurs feuilles et en s’évaporant l’eau réduit la chaleur ambiante. D’après l’ADEME, la température de l’air au-dessus de trottoirs recouverts d’asphalte baisserait jusqu’à 2 °C avec la présence d’arbres, et les petits espaces arborés (jardins, avenues, square…) sont entre 1,3 °C et 4 °C plus frais que les zones construites. Un vrai gain de confort pour les piéton·nes et les usager·ères.
Néanmoins, dans une ville dense comme Paris, certains facteurs sont à prendre en compte. Les arbres requièrent de l’espace pour se développer, au sol mais aussi sous terre : leurs racines doivent éviter d’endommager les fondations des bâtiments, les nombreux réseaux souterrains, la voirie… Par ailleurs, lorsqu’ils n’ont pas accès à l’eau et ne sont pas irrigués, les arbres créent moins d’ombre et « évapotranspirent » moins. Or, la ressource en eau est précieuse et le risque de sécheresses pourrait augmenter avec le temps.
En savoir plus : Quels arbres choisir pour la ville de demain?
D’autres sources d’ombre
Lorsqu’il n’est pas possible de planter des arbres, des alternatives existent. Faire courir des plantes grimpantes sur des pergolas comme cela existe dans de nombreux parcs et jardins de la Ville, ou bien installer des protections solaires. Cela peut être sous forme de structures solides et pérennes (pergolas, auvents), ou plus temporaires : voiles d’ombrage rétractables et fixées le temps d’un été.
Choisir les bons matériaux
Des matériaux adaptés permettent de limiter le réchauffement de l’espace public. Dans les lieux très exposés au soleil, ils peuvent faire une vraie différence pour les usager·ères. Par exemple, des matériaux clairs et lisses vont davantage réfléchir les rayons, et tous n’ont pas la même capacité à stocker la chaleur et ne la libèrent pas à la même vitesse.
Une étude de l’APUR a évalué l’impact des principaux matériaux qui recouvrent l’espace public parisien :
- Les chaussées en bitume et les trottoirs en asphalte absorbent et stockent une grande quantité de chaleur ce qui réchauffe la rue de jour comme de nuit.
- Les trottoirs en dalles de granit, plus clairs, réfléchissent davantage la chaleur et sont donc plus frais pendant la journée, même s’ils stockent une partie de la chaleur qui se dégage pendant la nuit .
- Le sable ou le gravier stabilisé réfléchit relativement bien la chaleur le jour, et se rafraichit immédiatement la nuit.
- Le gazon offre le plus de fraicheur de jour comme de nuit, profitant en prime du phénomène d’évapotranspiration, à condition d’être arrosé.
De manière générale, débitumer les sols permettrait d’améliorer le confort des passant·es, de réduire l’effet d’ilot de chaleur urbain et d’infiltrer l’eau de pluie directement dans les sols, ce qui est un atout en cas de fortes précipitations en évitant de saturer les réseaux.
- Des revêtements perméables, naturels (pleine terre, copeaux de bois…) ou non (stabilisé, béton perméable, résine drainante, pavés végétalisés…) peuvent remplacer l’asphalte des voies piétonnes et cyclistes, même si ces matériaux généralement moins résistants ne sont pas toujours adaptés à la chaussée. Jouer sur la couleur permet aussi de réduire la température du sol, mais attention : des matériaux trop clairs réfléchissent la chaleur vers les passant·es, les éblouissent, et peuvent brûler les jeunes arbres.
- Des matériaux sont conçus et testés spécifiquement pour leurs propriétés rafraichissantes. C’est par exemple le cas du projet Fresh-Ecopavers, développé par l’ESITC Caen (et auquel l’Agence Parisienne du Climat est associée), autour de pavés drainants composés en partie de déchets coquillers, capables de drainer l’eau de pluie puis de restituer la fraicheur du sol lors des fortes chaleurs. Ces pavés ont notamment été utilisés dans le cadre d’une expérimentation sur une place à Toulouse, associés à un dispositif de récupération de l’eau de pluie.
- Du côté de la chaussée, le projet Cool & Low Noise Asphalt expérimente actuellement avec la Ville de Paris plusieurs formules d’enrobés et d’asphaltes. En variant la couleur et la porosité, ils visent à réduire le bruit de la circulation tout en baissant la température de la rue lors des épisodes de forte chaleur. Trois permanences sont prévues pour la rentrée 2021 pour partager les résultats et répondre aux questions sur le projet.
Utiliser de l’eau
L’arrosage urbain
Sur certains tronçons particulièrement chauds et non végétalisés, des tests ont été effectués et ont montré que l’aspersion d’eau non potable sur la voirie pouvait permettre de rafraîchir les passant·es, mais il s’agit d’une technique « ultra-consommatrice » d’eau d’après l’Apur, qui n’est pour l’instant pas privilégiée.
La brumisation
Par rapport à l’arrosage urbain, la brumisation apparait comme une utilisation plus rationnelle de l’eau, puisque le processus rafraîchissant est centré sur les individus, procurant une sensation de fraîcheur importante pour une faible consommation d’eau, bien qu’il s’agisse d’eau potable pour des raisons sanitaires. Plusieurs expérimentations ont eu lieu, parmi lesquelles :
- Des brumisateurs intégrés aux candélabres du square Alban Satragne (10e)
- Des brumisateurs interactifs à Orly
A Paris, il existe de nombreux brumisateurs répartis dans les parcs et jardins ainsi que sur les opérations Paris Plage. Ils sont à retrouver sur la carte des îlots de fraîcheur de la Ville de Paris.
Combiner ces approches pour créer des ilots de fraîcheur
Certains projets ont combiné ces différentes approches pour transformer des lieux de passage en véritables îlots de fraîcheur :
- A Cenon, près de Bordeaux, des modules ont constitué un espace de fraicheur temporaire grâce à des pergolas végétalisés et des voiles d’ombrage, des rails de brumisation et un kiosque brumisant, ainsi qu’un plancher en bois, sur une place très minéralisée et exposée au soleil.
- À Aubervilliers, un parking particulièrement chaud a été transformé en « Tierce Forêt », à la croisée d’un parc et d’une place, aux vertus rafraichissantes grâce à de nombreux arbres et à un revêtement drainant.
- Sur le parvis de La Défense, une estrade rafraichissante de 200 m2 a combiné végétation, pavés rafraîchissants et stockage de l’eau pluviale.
Réduire les sources de chaleur anthropique
Ces solutions pour rafraîchir la rue ne doivent cependant pas faire oublier d’arrêter de la réchauffer ! Un levier important est de limiter certaines activités, dont deux en particulier :
- La circulation automobile, qui réchauffe la rue en raison de la combustion et des frottements sur la chaussée ;
- La climatisation, qui rejette de la chaleur à l’extérieur pour rafraichir l’intérieur des bâtiments.
Cela permettrait par la même occasion de limiter les nuisances sonores et les émissions de gaz à effet de serre !