La précarité énergétique d’été, un phénomène encore méconnu

La précarité énergétique est définie par la loi Grenelle II de juillet 2010 comme la difficulté qu’éprouve un ménage dans son logement « à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ».

Plusieurs indicateurs sont utilisés pour quantifier ce phénomène dont le taux d’effort énergétique. Il correspond à la part des dépenses totales d’énergie dans le logement sur le revenu disponible du ménage. Cet indicateur économique considère un ménage en situation de précarité énergétique lorsque les dépenses énergétiques de son logement sont supérieures à 8% de son revenu, et son revenu par unité de consommation (UC) est inférieur au 3ᵉ décile de revenu par UC* (soit parmi 30% des ménages les plus modestes) ;

Si la précarité énergétique est d’abord perçue comme liée au taux d’effort énergétique et au ressenti du froid, elle doit désormais également être appréhendée lors des périodes de chaleur qui impliquent nécessairement pour les supporter de pouvoir maintenir une température acceptable dans son logement.

Selon le rapport de la Fondation pour le Logement des Défavorisés², l’habitabilité du logement en été pourrait s’améliorer, dans une certaine mesure, si les résidents avaient une meilleure connaissance des bonnes pratiques à suivre.

• La sensibilisation et la formation de la population n’ont pas encore été assez prises en compte par les politiques publiques concernant le confort d’été, contrairement à la gestion de la chaleur en hiver.
• Les bailleurs sociaux remarquent, entre autres, que les locataires ne sont pas très habitués à poser des questions sur le confort d’été dans leur logement, d’où l’absence de données sur le sujet.

Il est difficile d’estimer le nombre de personnes en situation de précarité énergétique d’été. Quelques indicateurs cependant cités dans le rapport de la Fondation pour le Logement des Défavorisés :

• En 2022, 59 % des Françaises et des Français déclaraient avoir souffert de la chaleur dans leur logement pendant au moins 24 heures. (+8 points par rapport à 2020).
• Les locataires sont plus nombreux que la moyenne à souffrir d’un excès de chaleur (63 % contre 59 % au global) En 2021, 37 % déclaraient souffrir de la chaleur dans leur logement systématiquement (5 %) ou souvent (32 %)
• En juin 2022, 69 % des Français déclarent souffrir des températures trop élevées en période de forte chaleur. Ils sont notamment 30 % à en souffrir de plus en plus fréquemment.

Les habitantes et habitants des villes sont les plus touchés par la précarité énergétique d’été, car l’intensité des vagues de chaleur en ville est renforcé par le phénomène d’ilot de chaleur urbain (ICU). C’est un phénomène météorologique en ville où les températures sont particulièrement élevées la nuit, par rapport aux zones végétalisées et rurales les plus proches. Ils sont liés à plusieurs facteurs :

1. Le manque d’eau et de végétation qui sont des régulateurs thermiques naturels, à la fois par l’ombre et par les effets de l’évapotranspiration ;
2. Les matériaux employés dans les bâtiments et les revêtements de l’espace public : la pierre, la brique ou le béton accumulent la chaleur dans la journée, pour la relâcher la nuit, tout comme les sols minéraux ou bitumeux ;
3. La forme urbaine : de hauts immeubles serrés, bloquent le passage du vent et réfléchissent les rayons du soleil ;
4. Les activités humaines : l’usage de chauffage ou de climatisation, la circulation des voitures, les activités industrielles et le traitement des déchets augmentent la température de l’air³.

Ainsi, entre un ICU et une zone rurale proche, on atteint en moyenne 2,5 degrés de différence de température la nuit, contre 10 degrés lors des canicules⁴.

Les personnes se trouvant dans des situations précaires et vivant dans des quartiers populaires restent les plus touchées par la précarité énergétique d’été.

• Au-delà du fait qu’elles vivent dans des zones urbaines souvent peu végétalisées, ce sont davantage leurs conditions matérielles, économiques, sociales et sanitaires qui expliquent leur fragilité face à ce phénomène.
• Le surpeuplement dans les logements, le manque d’isolation, de ventilation, de système d’occultation adapté, ne pas partir en vacances l’été ou ne pas pouvoir quitter son logement durant les canicules, l’isolement social notamment celui des personnes âgées – ne pas pouvoir soigner des pathologies sont autant de facteurs qui fragilisent encore plus ces ménages.

La Fondation pour le Logement des Défavorisés met en exergue plusieurs pistes pour agir contre la précarité énergétique d’été, particulièrement la meilleure prise en compte de l’habilité thermique dans les projets de rénovation énergétique.

• Actuellement, les aides nationales à la rénovation n’incluent pas les équipements permettant d’améliorer le confort d’été comme les protections solaires, brasseurs d’air ou revêtements réfléchissants, exception faite en Outre-mer ou des aides adaptées à la situation climatique du pays existent. C’est aussi le cas à Paris, où le dispositif Éco-Rénovons Paris+ prévoit des aides pour adapter les logements aux fortes chaleurs.
• Dans le même sens, la Loi Climat et Résilience adoptée en 2022 omet également la notion de confort d’été et de protection solaires dans la définition d’une rénovation énergétique performante et globale.
• Aussi, certains aménagements se heurtent aux normes de rénovation du patrimoine, aux règles de certaines copropriétés ou à la réglementation urbaine locale.

En bref, la législation, même si elle n’est pas un frein à la rénovation énergétique, offre moins de possibilités pour agir directement sur la résorption de la précarité énergétique d’été que sur celle d’hiver.

Adapter les logements et le tissu urbain à la chaleur est primordial pour améliorer les conditions de vie des habitants. Plusieurs actions spécifiques sont particulièrement intéressantes :

• isoler thermiquement (notamment des toitures),
• privilégier des couleurs claires pour les revêtements extérieurs,
• utiliser des panneaux solaires pour faire obstacles aux rayonnements solaires,
• végétaliser les toitures et la ville,
• désimperméabiliser les voiries,
• récupérer les eaux de pluie, etc.

La Ville de Paris a mis en place le nouveau dispositif CoprOasis afin d’accompagner techniquement et financièrement les copropriétés parisiennes dans la végétalisation de leurs copropriétés, de rendre perméables les sols et de valoriser les eaux de pluie.

Adaptaville est une plateforme répertoriant un ensemble de solutions concrètes mises en place dans des espaces urbains pour les adapter au dérèglement climatique. On y retrouve également un agenda avec des événements destinés aux collectivités et aux professionnels intervenant sur les questions d’adaptation.  

En attendant de pouvoir agir sur le bâti et l’adaptation des villes, plusieurs recours existent pour faire baisser la température d’un logement :

• Fermer ses volets la journée, installer des rideaux occultant, brise solaires ;
• Favoriser la ventilation naturelle la nuit grâce à l’ouverture des fenêtres. Placer des draps rafraichira davantage la pièce grâce à l’évaporation ;
• Installer des ventilateurs ou brasseurs d’airs. Ils sont moins couteux que la climatisation et plus écologiques, car cette dernière baisse la température intérieure, mais réchauffe la température extérieure, rendant encore moins supportables les vagues de chaleur pour ceux qui n’en possèdent pas.

Paris Énergie Solidarité est un dispositif de lutte contre la précarité énergétique piloté par la Ville de Paris et animé par l’Agence Parisienne du Climat. Ce programme oriente les foyers très modestes vers des solutions pour réduire leurs factures d’énergie et retrouver du confort dans leur logement.

Pour répondre à cet enjeu de précarité énergétique, en été, Paris Énergie Solidarité accorde une attention particulière à la sensation de chaleur dans le logement durant l’été. En effet, si 35 % des Français déclarent avoir souffert du froid au cours de lʼhiver 2024-2025, pendant au moins 24 heures, ce sont 49 % de Français qui déclarent avoir souffert d’un excès de chaleur pour l’été 2025.⁵

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